Amiante à Turin et pesticides à Lyon : deux procès exemplaires

Le lundi 13 février 2012 restera probablement une date marquante dans les annales de la Santé au travail et de la Santé environnementale, avec les jugements rendus par le Tribunal de Grande instance de Lyon, condamnant l’Entreprise Monsanto, responsable de l’intoxication d’un agriculteur français par un herbicide, et par le Tribunal de Turin, qui a rendu un verdict « historique » en condamnant à 16 ans de prison les deux accusés du procès d’Eternit, au terme d’un procès exceptionnel, le plus important et le premier au plan pénal, sur l’amiante.

Ces deux verdicts ne manqueront pas de susciter de nombreux commentaires dans les prochaines semaines. On sait qu’en France, l’obligation de sécurité de résultat, aujourd’hui omniprésente, est née des arrêts amiante rendus par la Cour de Cassation en 2002. Pour autant, la situation n’est toujours pas satisfaisante aux yeux de l’Andeva, qui dénonce le contraste « insupportable » entre la France et l’Italie. Alors que, selon elle, « la justice a été rendue » en Italie, « le procès des responsables n’a même pas commencé » en France. Quinze ans après le dépôt des premières plaintes, « une catastrophe sanitaire qui fera plus de 100.000 morts n’a toujours ni responsable ni coupable », déplorent ses responsables.

Même si le combat est loin d’être terminé, compte tenu des voies de recours possibles dans les deux affaires, on peut penser qu’une étape importante vient d’être franchie, les juges n’hésitant plus à briser des tabous en reconnaissant les droits des victimes (qui vont bien au-delà des salariés eux-mêmes) et en affirmant la responsabilité d’Entreprises multinationales jusqu’alors à l’abri de toute mise en cause.

Si l’on ajoute l’affaire du Médiator, actuellement en cours d’instruction, les questions de Santé en général, et de Santé au travail et de Santé environnementale en particulier, apparaissent aujourd’hui de plus en plus médiatisées. Elles le seront probablement davantage encore demain.

Il faut l’espérer en tout cas, car, si nous ne montrons pas l’exemple en la matière, en mettant en place, via la réglementation et la jurisprudence, des standards de haut niveau en matière de protection de la Santé et de réparation des dommages, on risque fort, sous l’effet de la mondialisation, d’assister à brève échéance à un abaissement général des règles de protection. Il ne faut pas perdre de vue que, malgré sa nocivité, que plus personne n’ose contester aujourd’hui, l’amiante fait encore l’objet d’une utilisation massive, et, plus particulièrement dans les principaux pays émergents, les nouveaux « maîtres du monde », dont la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil, qui, en 2007, en ont utilisé plus de 2 millions de tonnes…

Quand on sait que, pour ne pas perdre la guerre commerciale qui se livre au niveau de la planète, l’une des solutions avancées par certains est la déréglementation, avec la Santé et la Sécurité comme variables d’ajustement, on comprend qu’il va falloir redoubler de vigilance, non pour préserver des avantages acquis, mais pour défendre la Santé, tout simplement.

Gabriel Paillereau
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Pour en savoir plus sur la « déréglementation », consulter l’article mis en ligne sur notre site le 27 janvier dernier :

Pour en savoir plus sur les deux verdicts, consulter les deux articles mis en ligne sur le site du Huffington Post :

A noter également l’excellent article qu’a signé Nora Bouazzouni, mis en ligne sur le site algérien faxdz.com :

 

 

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