Communiqué du Groupement SLMT : « Le Conseil Constitutionnel n’est toujours pas saisi pour l’article 26 (ancien article 19 du projet de loi) »

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire à plusieurs reprises (voir en bas de page les liens vers les derniers articles publiés sur notre site), le Conseil Constitutionnel n’a toujours pas été saisi pour se prononcer sur l’article 26 de la loi relative au Dialogue social et à l’Emploi. Faute de censure, la loi adoptée par l’Assemblée Nationale sera donc promulguée, avec toutes les conséquences délétères que nous connaissons.

C’est ce que le Groupement Sauvons La Médecine du Travail (SLMT) déplore vivement dans son dernier Communiqué, reproduit in extenso ci-dessous :

Le 27 juillet 2015, 60 députés du groupe « Les Républicains » ont saisi le Conseil Constitutionnel au sujet de la loi relative au Dialogue social et à l’Emploi adoptée le 23 juillet par l’Assemblée Nationale. La saisine est enregistrée sous le n° d’affaire : 2015-720 DC. Elle concerne l’article 1er de la loi. Ils ont dû se tromper. C’est l’article 26 (ancien article 19 du projet de loi) qui doit être attaqué parce que les dispositions qu’il comporte, qui concernent la Médecine du travail, ont été intégrées à la loi sans avoir de lien direct avec le projet de loi support.

C’est ce cavalier législatif que nous dénoncions le 20 juin 2015 (communiqué SLMT n° 37), d’abord pour des questions de démocratie, car, sans sanction, la méthode employée sera considérée comme acceptable et se reproduira. Or, elle réduit à sa plus simple expression les possibilités de débat parlementaire. Introduire dans la loi les conclusions d’un rapport que, ni les Députés, ni les Sénateurs n’ont pu réellement étudier, ne permet pas une discussion loyale. Mettre en place un dispositif pour modifier par décret une loi (20 juillet 2011) ne favorise pas le débat public.

Lors de la première lecture à l’Assemblée Nationale, le 28 mai, les « amendements Issindou » avaient fait enfler l’article 19 du projet de loi de 3 paragraphes et de 15 nouveaux articles.

Alors que le rapport sur « aptitude et médecine du travail » dont provenaient ces amendements venait à peine d’être remis au Ministre, que le COCT venait seulement d’en entendre la présentation, et que les premières réactions inquiètes se manifestaient, l’essentiel des dispositions du rapport était imposé en commission par M. Issindou et voté en catimini le 2 juin 2015.

Après le passage au Sénat, en vue de la deuxième lecture à l’Assemblée Nationale et malgré les réactions qui se manifestent de toutes parts, M. le député Issindou persiste. Il prétend compléter son œuvre par de nouveaux amendements. Ils seront heureusement rejetés sans vote et à l’unanimité par la Commission des Affaires Sociales. Mais les amendements initiaux subsistent. Au Sénat, en deuxième lecture, un amendement propose la suppression de l’article 19 du projet de loi ; il est rejeté mais, dans la foulée, 155 Sénateurs (sur 343 votants), dont la totalité des Sénateurs socialistes (110), refusent l’adoption du même article !

Plus de 3 000 signataires de la pétition SLMT, et, dans une lettre commune, toutes les Organisations syndicales de Médecins du travail (CFDT exceptée), demandent le retrait de l’article 19, Mais le vote ultime dans la forme initiale est obtenu à l’Assemblée Nationale le 23 juillet. Dorénavant, seul le rejet par le Conseil Constitutionnel peut permettre d’en éviter la promulgation néfaste.

Si l’article 26 de la loi s’applique, les employeurs auront plus de facilité pour rompre le contrat de travail pour cause de santé, en s’exonérant des obligations actuelles. En effet, la nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l’article L.1226-12 du code du travail est complétée par les termes : « Il peut également rompre le contrat de travail [il s’agit de l’employeur] si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » […]. « L’employeur sera alors réputé avoir rempli son obligation de reclassement ». Ceci s’applique même en cas d’inaptitude du fait d’accident du travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP), ce qui viole, entre autres, les principes de protection renforcée de l’emploi de ces victimes. La formulation concernant le « maintien du salarié dans l’entreprise [qui serait] gravement préjudiciable à sa santé » n’a non seulement rien de médical, mais, qui plus est, met en cause le principe d’égalité de tous en matière de droit au travail en substituant la notion de maintien dans l’emploi à celle du maintien dans le poste.

Si l’article 26 est promulgué, le nouvel article L.4624-4 du Code du travail devient : « Les salariés affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, celles de leurs collègues ou de tiers et les salariés dont la situation personnelle le justifie bénéficient d’une surveillance médicale spécifique. Les modalités d’identification de ces salariés et les modalités de la surveillance médicale spécifique sont déterminées par décret en Conseil d’État ». C’est-à-dire que les salariés seront classés en catégories.

Ceux occupant un poste où leur état de santé peut nuire à des tiers (collègues, clients, public, etc..) seront désignés par leur employeur. Ils ne pourront occuper leur poste que s’ils satisfont à des critères sécuritaires évalués par un médecin spécial.

Les salariés exposés à des risques particuliers auront droit à la surveillance médicale de leur exposition.

Pour les autres, c’est-à-dire la grande majorité des salariés, l’article 26 prévoit « d’abandonner la vérification systématique de l’aptitude. Une attestation de suivi de santé sera délivrée à l’employeur et au salarié par le médecin du travail ou l’infirmier en santé au travail ».

C’est la disparition de la Médecine du travail.

Malgré les protestations multiples, dont celles de nombreux élus, le Conseil Constitutionnel n’est toujours pas saisi pour l’article 26. Les raisons pour le faire sont nombreuses, tant pour des questions de méthode et de démocratie que sur le fond.

Il faudrait que 60 Députés ou Sénateurs aient le courage de le faire, non pour clore le débat, mais pour le permettre.

Le 30 juillet 2015

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J’invite tous ceux qui soutiennent l’action du Groupement à consulter son site, à partir du lien suivant :

Groupement National « Sauvons La Médecine du Travail »

Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 8 août 2015
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