La Pluridisciplinarité en Santé au travail : indispensable et à géométrie variable

Invité par François Hubault à intervenir dans le cadre du séminaire « La dynamique des métiers de l’ergonomie – Nouveaux enjeux de coopération et de pluridisciplinarité », organisé les 3, 4 et 5 juin par le Centre d’Éducation Permanente Ergonomie et Écologie Humaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, j’ai partagé pendant trois jours les échanges extrêmement vivants, parfois vifs, toujours de haute tenue entre les intervenants, appartenant à différentes disciplines (ergonomie, psychologie, sociologie, philosophie, médecine du travail…), et les participants, étudiants en cours de formation et « anciens », tous passionnés par leur discipline.

Je reviendrai ultérieurement sur le contenu de ces Journées. Pour l’heure, je me contenterai de publier le résumé de mon intervention, évidemment consacrée à la mise en place de la pluridisciplinarité dans les Services interentreprises de Santé au travail, que j’ai accompagnée à partir de 1985, de ses premiers balbutiements dans quelques Services pionniers à sa mise au premier plan, en trompe l’œil, dans la loi du 20 juillet 2011 et les décrets du 30 janvier 2012, en passant évidemment par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et le décret du 28 juillet 2004, ces deux textes étant incontestablement plus importants, en dépit des apparences, que ceux issus de la « réforme de la réforme », les références à « l’équipe pluridisciplinaire », omniprésentes dans les textes récents, ne suffisant pas pour masquer les questions en suspens.

En dépit de son entrée « massive » dans le Code du travail, la pluridisciplinarité souffre en effet aujourd’hui encore de nombreux handicaps, qui tiennent notamment à l’absence de définition claire de ce qu’elle est.

Doit-on parler de pluridisciplinarité, de transdisciplinarité, d’interdisciplinarité ? Quels sont la place et rôle des acteurs de l’équipe ? Quel est leur statut ? Quel est leur degré d’autonomie ? Comment sont mesurés les besoins de Santé au travail ?

Les enjeux en cause sont également multiples, comme l’avait indiqué le Rapport sur le bilan de la mise en œuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de prévention des risques professionnels (Rapport Pluridisciplinarité, décembre 2007) : enjeu de définition, on l’a vu, mais aussi enjeu pour la Médecine du travail, enjeu de pouvoir, enjeu pour l’organisation et l’efficience du Système français de prévention, enjeu social, enjeu professionnel, enjeu économique…

Compte tenu du nombre et de l’importance des questions sans réponse, le chemin à parcourir pour l’installer durablement sera encore long.

Quant à son efficacité au bénéfice des Salariés et des Entreprises, elle ne sera effective que si elle vient en complément, et non en remplacement, de l’approche médicale de la Santé au travail par les Médecins du travail, tout à fait irremplaçable, contrairement à ce que certains voudraient faire croire.

Gabriel Paillereau

La « pluridisciplinarité » répond à un besoin, une nécessité même, formulée pour la première fois en 1985, sous la forme d’une convention et d’une recommandation de l’OIT sur « les services de santé au travail ». Elle a pris corps dans la législation française à travers la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, et, tout récemment, la loi réformant la médecine du travail du 20 juillet 2011, transposant la directive européenne du 12 juin 1989 relative à « la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ».

L’émergence de la notion de pluridisciplinarité

L’introduction de la pluridisciplinarité s’est faite au terme d’une gestation à la fois longue et chaotique, marquée par les réflexions conduites au sein de divers organismes, les expérimentations, officielles ou non, avortées ou réussies, dans un nombre restreint d’entreprises et de services de médecine du travail, et les discussions souvent tendues entre l’administration et les partenaires sociaux. Connaître la genèse du passage de la médecine du travail à la santé au travail est indispensable pour comprendre pourquoi la pluridisciplinarité a tant tardé à se mettre en place.

Médecine du travail et Santé au travail

La pluridisciplinarité a longtemps souffert de l’orientation donnée à la protection de la santé des travailleurs par la loi fondatrice de la médecine du travail « à la française », en octobre 1946. En confiant la protection de la santé des travailleurs aux seuls médecins du travail, ce qui correspondait aux besoins d’une population et d’une société durement éprouvées par la guerre, on en est venu à assimiler médecine du travail et santé au travail, réalisation d’examens médicaux assortis d’avis d’aptitude et protection de la santé au travail. On a ainsi sous-estimé durablement la dimension non médicale de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels, pourtant essentielle, alors même qu’on la savait hors d’atteinte des médecins du travail en l’absence d’appui de professionnels appartenant à d’autres disciplines, particulièrement dans les services interentreprises, qui ont en charge le suivi des salariés des PME et TPE.

La pluridisciplinarité, une nécessité

Au fil des années, l’évolution des risques professionnels a conduit à prendre conscience de la nécessité d’une nouvelle approche de la santé des salariés, dépassant le cadre étroit de LA visite médicale, fondée sur une meilleure connaissance des lieux, de l’organisation et des conditions de travail, et, partant, des relations travail/santé. Si, dans un premier temps, on a cru que le médecin du travail pouvait assumer seul toutes les dimensions de la Santé au travail, grâce en particulier à ce que l’on appelle le « tiers temps », apparu en 1979, cette vision s’est très vite révélée être une réponse insuffisante et inappropriée aux besoins des entreprises, en raison, d’une part, de la multiplicité des risques professionnels à traiter et de leur complexité croissante, d’autre part, de l’impossibilité pratique pour les médecins du travail de mener de front une activité « clinique » dévoreuse de temps et une activité « technique » exigeante en termes de compétences, et enfin, il ne faut pas se le cacher, de la résistance au changement de nombreux acteurs et bénéficiaires de la Santé au travail.

C’est donc à la fois « naturellement » et avec beaucoup de difficultés que la pluridisciplinarité, marquée par l’arrivée de professionnels autres que médecins, formés à intervenir sur les plans technique et organisationnel, le plus en amont possible des risques professionnels, dans le cadre de la prévention primaire, s’est progressivement imposée comme une nécessité, non pour compenser le déficit de médecins du travail mais pour couvrir le plus complètement possible le champ de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels.

Quels acteurs pour quels besoins ?

Il aura donc finalement fallu près d’un quart de siècle pour y parvenir, ce qui ne signifie pas pour autant que les obstacles à sa mise en place aient disparu, loin de là. En dépit de son entrée officielle dans le code du travail, la pluridisciplinarité souffre encore aujourd’hui de nombreux handicaps, qui tiennent notamment à l’absence de définition claire de ce qu’elle est : il ne suffit pas, comme on l’a pourtant fait dans la loi du 20 juillet 2011 et dans les décrets d’application du 30 janvier 2012, de substituer l’expression « équipe pluridisciplinaire » à celle de « médecin du travail » dans l’exercice des missions attribuées aux services de santé au travail, pour que la pluridisciplinarité devienne effective.

Manquent en effet des facteurs essentiels pour que le système soit efficient, à savoir notamment une réflexion approfondie sur la place et le rôle de chacun des acteurs au sein de l’équipe ainsi que sur leur statut et le degré d’autonomie dont ils disposent dans l’exercice de leurs fonctions, le tout devant s’inscrire dans le cadre des besoins réels de santé au travail des entreprises, et non dans celui de normes standardisées s’appliquant à toutes de façon indifférenciée.

La pluridisciplinarité ne peut être utile et efficace que si « l’équipe » qui la porte en est véritablement une, reconnue en tant que telle par les entreprises, les salariés et les directions de service, adaptée au terrain et s’y adaptant en permanence.

La pluridisciplinarité, obigatoirement « à géométrie variable »

Cela signifie en clair que, dans le cadre des services interentreprises, l’équipe pluridisciplinaire doit être à la fois souple et solidaire, condition sine qua non d’une pluridisciplinarité sur mesure, « à géométrie variable » pour répondre aux besoins d’un très grand nombre d’entreprises appartenant à tous les secteurs d’activité, c’est-à-dire faisant appel à des intervenants de toutes disciplines et de tous niveaux, salariés des services eux-mêmes ou appartenant à des structures extérieures, capables d’appréhender, souvent en relation avec les branches professionnelles, les problèmes auxquels sont confrontés les PME et TPE, qui, il ne faut jamais le perdre de vue, ne sont pas des « grandes entreprises en réduction ».

Gabriel Paillereau
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6 Comments

Michel Blaizot

J’espère que beaucoup de lecteurs d’epHYGIE partageront la vision de la pluridisciplinarité que traduisent les propos pertinents de GP.

C’est l’occasion de souligner que les textes de 2011/2012, s’ils mettent l’équipe pluridisciplinaire un peu « à toutes les sauces », sont en réalité, sur certains points déterminants, en retrait par rapport à ceux de 2002/2004.

C’est le cas de la définition des compétences des pluridisciplinaires internes aux SIST, qui n’ont plus besoin d’être habilités. L’habilitation auprès des collèges régionaux regroupant CARSAT, ARACT et OPP-BTP avait bien des faiblesses mais elle était au moins garante du respect d’une formation initiale (diplôme d’ingénieur ou formation universitaire). Cette garantie a disparu. Les compétences des pluridisciplinaires sont donc laissées à l’appréciation de chaque SIST, en attendant une définition éventuelle par la voie conventionnelle, comme le souligne la Cour des Comptes.

Je crois cette situation préjudiciable au développement de la pluridisciplinarité, et, me semble-t-il, non conforme à l’article 7 de la Directive cadre 89/391/CEE qui a déjà valu à la France une mise en demeure en 1997. Ce texte opposable confie aux Etats membres le soin de définir les compétences des pluridisciplinaires, qu’ils soient dans les Entreprises ou dans des structures extérieures auxquelles les Entreprises font appel.

Par ailleurs, les textes de 2011/2012 confient au médecin du travail l’animation et même la conduite de l’équipe pluridisciplinaire. C’est peut-être flatteur pour l’ego de certains, mais est-ce réaliste quand chaque médecin est affecté à un secteur géographique déterminé et que l’équipe est inter-secteurs en « libre service » ? La coordination et l’animation de cette équipe supposerait donc une entente collégiale permanente de tous les médecins du travail du SIST. La faisabilité du dispositif me paraît douteuse. En outre, il place les pluridisciplinaires dans un lien de subordination fonctionnelle par rapport aux médecins qui n’est peut-être pas pertinent et qui ne facilitera pas le développement de la pluridisciplinarité.

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Michel Guillemin

Excellent commentaire !
J’ajouterai qu’une grande partie du problème vient de la formation des acteurs de la santé au travail autres que les médecins. Tant qu’il y aura une telle différence entre la formation des médecins du travail et les autres acteurs, tels les IPRP, pour ne prendre qu’un exemple, la multidisciplinarité ne pourra jamais devenir une réalité.

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Henri

Bonjour,

Je vais me permettre d’enrichir l’article de Gabriel en le complétant des commentaires qui suivent.

S’interroger sur la pluridisciplinarité des Sces de Santé au Travail français c’est au fond s’interroger sur l’organisation fonctionnelle des entreprises françaises de manière à assurer la sécurité et protéger la santé de leur personnel. C’est forcément en tout cas s’intéresser à la transcription française de la directive européenne 89/391/CEE.

Gabriel fait remonter la pluridisciplinarité à une convention de l’OIT en 1985 et à la loi de modernisation sociale de janvier 2002 en France. Nous concernant, c’est oublier ponctuellemnt un décret de décembre 1988 dont l’art 13 prévoyait à titre expérimental la possibilité pour un employeur ou un président de SSTinter de recourir à des personnes ou organismes, publics ou privés, « qualifiés en prévention des risques professionnels, sécurité ou conditions de travail » afin de développer les actions du MT en milieu de travail (préventeurs, toxicologue, ergonome, psychologue … voire des compétences connexes comme celle du méthodiste, spécialiste machines ou ventilation… pour donner qq exemples classiques).

Notre pays a effectivement structuré très tôt (fin de la seconde guerre mondiale) une fonction prévention médicale des risques professionnels notamment fondée sur la surveillance médicale du personnel par des MT, avec l’assistance d’IST le cas échéant. Qu’en 1988, on tente le recours à d’autres compétences aux côtés du MT, c’était déjà reconnaître le besoin de « pluridisciplinarité » pour ouvrir l’action des Sces médicaux (trop « médicaux ») même si le nom de pluridisciplinarité n’était pas utilisé.

En réalité, très tôt (à la même époque et peut-être même dès 1941-1942 ?), notre réglementation française reconnaissait implicitement ou considérait au moins l’existence d’autres « Préventeurs du travail » que les seuls MT. En effet, dès la création des CHS, elle inclut dans le CHS le « chef du service de la sécurité ou agent chargé des questions de sécurité, le médecin du travail de l’établissement ou du service interentreprises et la conseillère du travail ». Pour moi, citer ces trois métiers dans le CHS, c’est déjà pointer une pluridisciplinarité rampante…

Cette formulation datant d’un décret d’août 1947 a été reprise dans le code du travail (R231-4 dans un 1er temps), devenu l’art R236-6 (avec le CHSCT en 1983 – le chef du service de la sécurité devenant le chef du service de la sécurité et des conditions de travail), pour se retrouver dans l’actuel art R4614-2, qui mentionne qu’outre le MT, le « chef du service sécurité et des conditions de travail » ou à défaut l’agent chargé de ces sujets, assiste, s’il existe, aux réunions du CHSCT… Par contre la conseillère du travail a disparu.

Diable, à coté des Sces Médicaux du Travail obligatoires il existait donc aussi des « Sces de Sécurité et Conditions de Travail» (non obligatoires jusqu’alors), dont l’incarnation était utile dans les CHSCT ? Tout cela me semble recouvrir tout le champ de la S&ST et démontrer (sans les rendre obligatoires) l’intérêt d’autres compétences pertinentes bien que différentes de celles, médicales, du MT.

Cette reconnaissance dans le CHSCT d’un autre Préventeur que le MT est significative de cette pluridisciplinarité que nous savons tous incontournable et que nous pratiquons depuis longtemps. D’ailleurs, s’il fallait l’illustrer, je ne serais sans doute pas le seul ici à pouvoir témoigner d’actions pluridisciplinaires (IST, MT, Préventeur…) menées depuis longtemps dans nos entreprises (déjà à la fin des années 70 pour ma part).

Toujours est-il qu’en 1989, la directive européenne 89/391/CEE est venue poser le cadre moderne de l’approche de la Sécurité et de la Santé au Travail dans l’entreprise. Cadre que les différents pays de la communauté ont adopté avec plus ou moins de rapidité ou de bonne volonté. Quatre articles de la directive méritent notre attention, en l’occurrence pour apprécier la transcription française, ce sont les art 5-6, l’art 7 et l’art 14.

L’art 14 « Surveillance de la santé »  est le plus facile à traiter : compte tenu de notre dispositif de médecine du travail, né il y a plus de 60 ans, nous avions une telle avance que nous n’avions rien à transposer… Notre code du travail (et non pas un autre code) structure depuis longtemps nos « Sces Médicaux du travail » (> Sces de Santé au Travail depuis qq années ».

Les art 5-6 « Obligations générales de l’employeur » forment un chapeau fort structurant (1) dont nous n’avions pas l’équivalent dans notre code du travail : il a été rapidement transposé (1991) dans les « principes généraux de prévention » qui ouvrent désormais la partie IV de notre code du travail.
(1) Pour ceux qui connaissent la notion, c’est au fond l’obligation pour l’employeur de structurer un véritable système de gestion-management de la S&ST (cf modèle international ILO-OSH par exemple [OIT]). Par ailleurs et mine de rien, les alinéas 1 de ces articles ont sans doute permis à la jurisprudence de voir l’obligation générale de S&ST de l’employeur français comme une obligation de résultat et non plus seulement comme une obligation de moyens…(cf l’évolution de la faute inexcusable).

Reste l’art 7, « Services de protection et de prévention » : là, notre beau pays, bien que titillé par l’union européenne, a mis plus de 20 ans (!) pour envisager sérieusement, bien que timidement (à développer si besoin), de transposer cet article 7. Mais, me direz-vous, quel rapport avec la pluridisciplinarité ? La pluridisciplinarité (celle des Sces de Santé au Travail officiellement), c’est tout simplement l’astuce (le subterfuge ?) trouvée par notre réglementation pour rester arcboutée sur le principe que la médecine du travail française (plutôt centrée « art 14 » = prévention secondaire à composante médicale) était la fonction protection et prévention moderne voulue par l’Europe (art 7 = résolument orienté prévention primaire, sans particularité médicale).

Au début des années 2000, pour répondre aux reproches de l’Europe de n’avoir toujours pas transposé son art 7, l’astuce a consisté en effet à ajouter des compétences supplémentaires à notre dispositif réglementaire français, de manière à ce qu’il paraisse être conforme au dispositif de protection et de prévention des risques professionnels attendu. Cet ajout, c’était l’IPRP de 1ère génération, si j’ose dire. Mais cela n’a pas suffi et une autre dizaine d’années plus tard, nous sommes passés, avec qq motivations complémentaires, à l’IPRP de 2ème génération, qui, du côté des Sces de Santé au Travail, ne concerne plus que les services interentreprises.

C’est à cette occasion (2012) qu’un premier pas explicite a enfin été fait dans notre droit du travail français pour transposer l’art 7 « Services de protection et de prévention » via les nouveaux art L4644-1, R4644-1 et suivants. Cette transposition de l’art 7 de la directive européenne 89/391/CEE officialise de fait les fonctions du genre « PPRP » qui existent depuis fort longtemps dans nos entreprises d’une certaine taille (celles qui n’étaient jusqu’à maintenant mentionnées dans notre réglementation qu’en termes d’éventuelle existence). J’espère que, peu à peu, cela en fera émerger d’autres dans des entreprises de moindre taille. Les plus petites n’ayant pas les moyens de désigner un « PPRP interne » (pléonasme…) pouvant faire appel à un « IPRP externe » (autre pléonasme).

L’officialisation de la fonction PPRP dans l’entreprise est assurément aussi une expression et la confirmation de la « pluridisciplinarité » nécessaire à la démarche de prévention des risques professionnels. C’est une disposition de la dernière réforme finalement peu commentée, mais je pense que c’est une des plus importantes. Accessoirement, elle pose la question de la direction du travail des IPRP de SSTinter « appelés » par de telles entreprises pour assurer la fonction de PPRP, mais ce n’est pas le sujet.

Pour terminer sur une boutade, voici une dernière observation sur l’ensemble de cet article Ephygie : tout en dénonçant à juste titre la place initiale et historique du MT dans notre dispositif français de prévention S&ST, cet article sur la pluridisciplinarité des acteurs de la prévention ne s’intéresse en fait qu’à seul acteur, le Médecin du Travail… Epatant, non ?

Cordialement. HenriPrev « chez » gmail .com

Tous droits réservés.

PS : Michel et Michel, il ne faut pas se faire d’illusion : les fonctions prévention ont un coût, les Préventeurs non-MT n’auront jamais de doctorat ; par contre, il existe de bons professionnels par formation et qui font du bon boulot de prévention sans tout savoir de l’intimité des synapses, mais ayant des connaissances indispensables en ventilation, ergonomie ou systèmes de management S&ST, et à un moindre coût qu’un doctorat (disons grosso-modo qu’avec un doctorat, on peut payer deux ingés ou trois technicien sup). Mais pour surveiller ou diagnostiquer l’état de santé d’une personne, il faut d’importantes connaissances-compétences médicales dont seuls les MT disposent. D’où la pluridisciplinarité…

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g.paillereau

Je remercie Henri pour sa contribution, dont je partage évidemment le contenu à 99 %.

Quelques petites précisions seulement :

– d’une part, je n’ai pas oublié les dispositions expérimentales (articles 13 et 14 du décret de 1988) ; simplement, comme le texte mis en ligne n’est que le résumé de mon intervention, je ne pouvais évidemment pas entrer dans le détail. C’est la raison pour laquelle ces deux articles sont évoqués de façon allusive (L’introduction de la pluridisciplinarité s’est faite au terme d’une gestation à la fois longue et chaotique, marquée par les réflexions conduites au sein de divers organismes, les expérimentations, officielles ou non, avortées ou réussies, dans un nombre restreint d’entreprises et de services de médecine du travail…), alors qu’ils font l’objet de deux diapositives dans la présentation que j’ai faite lors du Séminaire.

– d’autre part, les différentes étapes avant d’arriver à une transposition « complète » de la Directive correspondent bien à ce que j’ai toujours dit.

En revanche, je ne partage pas, tout en la comprenant parfaitement, la « boutade » de notre ami Henri.

Dans l’article mis en ligne, je ne m’intéresse pas à un seul acteur, qui serait le Médecin du travail. Je ne fais que constater que la mise en place de la pluridisciplinarité a été freinée par la vision « unanimiste » de l’Administration, des Organisations patronales et des Organisations syndicales en faveur des Services de Médecine du travail, présentés à tort pendant des années comme Services de Santé au travail, répondant aux exigences de la Directive, alors que nous savions tous que c’était faux.

La question, aujourd’hui, est de savoir où placer le curseur entre compétences médicales et autres compétences, techniques et organisationnelles. Elle est aussi et surtout de répondre à toutes les autres questions posées dans l’article, en ne perdant pas de vue que 50 % des salariés français travaillent dans des Entreprises de moins de 50 salariés et que 94 % des salariés sont suivis dans le cadre des Services interentreprises.

Cela veut dire que la généralisation de la pluridisciplinarité doit (enfin) permettre à une majorité des salariés français d’en bénéficier, sans pour autant perdre le bénéfice d’un suivi médical de qualité par des Médecins spécialistes !

Pour un challenge, c’est un beau challenge !

Reply
Henri

Hello !

Merci pour cette réponse, Gabriel. Pour éviter de ne privilégier systématiquement qu’un seul acteur de la « pluridisciplinarité » le plus court est encore de ne pas parler de pluridisciplinarité mais de l’organisation d’une fonction S&ST.

Envisageons donc simplement l’organisation fonctionnelle de la prévention des risques professionnels de nos entreprises en application de la directive européenne 89/391/CEE par l’aménagement de notre dispositif actuel.

Je vois ces quelques directions :

– fusionnons (dans nos discours puis dans notre réglementation) les actuelles fonctions de « Protection et Prévention des Risques Professionnels » dont doivent se doter les entreprises (ou les sous-traiter) et celles de « Santé au travail » auxquelles elles doivent adhérer (ou dont elles doivent se doter).
– cessons de confier au MT le pilotage d’une équipe Prévention (cette ressource est rare et précieuse en matière de surveillance médicale du personnel, qui n’est pas le cœur de la prévention primaire des risques professionnels).
– définissons mieux les missions et fonctionnements de la fonction « prévention primaire », donc les compétences nécessaires aux Préventeurs non médicaux en particulier.
– articulons l’ensemble pour tirer le meilleur parti des ressources (compétences des métiers de la prévention et moyens économiques des entreprises) en misant en partie sur un Service interne mais aussi sur un Service externe, en fonction des caractéristiques de l’entreprise et du niveau des compétences nécessaires selon la complexité de ses problématiques.

Depuis 1996, nos voisins belges ont transposé la directive européenne d’une manière qui me semble plus pertinente que la nôtre. Le dispositif belge peut se résumer ainsi : « pour détecter les risques pour les travailleurs, chaque employeur doit disposer d’un Service interne pour la prévention et la protection au travail. Pour certains aspects de cette mission, l’employeur devra cependant faire appel à un Service externe pour la prévention et la protection au travail. Ces Services externes, dans lesquels diverses disciplines sont représentées, sont chargés de l’évaluation des risques. Au sein de ces Services, des sections, agréées par les Communautés, sont chargées de la surveillance médicale des travailleurs ».

NB :

– gag : ce résumé réussit parfaitement à évoquer plusieurs disciplines sans pour autant citer un seul acteur en particulier.
– en Belgique, les missions et niveaux de compétence des Conseillers en Prévention sont définis en proportion de la taille et des risques de l’entreprise (pour la surveillance médicale du personnel, il n’y a bien sûr qu’un seul niveau de professionnel spécialisé…!).
– il y a complémentarité des Services internes et externes de prévention.
– la coordination des équipes prévention n’est pas confiée au pôle médical du dispositif.

Bref, l’exemple belge d’adoption de la directive, sans interdit ni préjugé, est fort intéressant pour nous aider à prendre du recul sur notre propre laborieuse transposition afin de dépasser nos stéréotypes.

Bye.

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Michel Blaizot

Je voudrais rassurer Henri. Quoique médecin du travail, je sais bien qu’il y a d’excellents praticiens de la prévention qui « font du bon boulot » dans les entreprises d’une certaine taille. Mon propos visait seulement à affirmer la nécessité d’une habilitation des pluridisciplinaires, quels qu’ils soient, par un organisme compétent (est-ce le cas de la DIRECCTE ?) pouvant, bien sûr, valider les acquis de l’expérience.

D’accord pour estimer qu’il n’y a ni utilité ni nécessité pour confier systématiquement à un médecin du travail le pilotage d’une équipe de prévention (il peut y avoir des situations où cette procédure se justifie – voir la « géométrie variable » de G.P.)

Je prends même le risque de passer, auprès de mes confrères, pour un affreux iconoclaste. Dès 2004, a fortiori en 2011, devant la pénurie de temps médical et compte tenu du développement de la pluridisciplinarité, le courage aurait été de remettre en cause le tiers-temps médical en le ramenant à une demi-journée par semaine pour un plein temps au lieu de 3.

On aurait introduit dans le dispositif de santé au travail l’équivalent en temps clinique de près de mille médecins à temps plein. Cette mesure, associée à un meilleur ciblage des populations nécessitant une surveillance médicale, aurait peut-être permis que la visite d’embauche pour tous ne soit pas une « formalité impossible » comme elle l’est aujourd’hui et la SMR aurait pu garder une certaine tenue. Le risque aujourd’hui est de voir la surveillance médicale clinique transformée en peau de chagrin, sans pour autant, au moins dans les TPE/PME, que la prévention primaire en milieu de travail y gagne vraiment.

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