La santé au travail assassinée par l’Etat (source : blog de Françoise Mesnard, Médecin du travail)

Alors que s’ouvre aujourd’hui la Conférence sociale, de nouvelles prises de position concernant l’évolution de la Santé au travail se font jour. Dernière en date : celle de Françoise Mesnard, Médecin du travail dans un Service interentreprises de Santé au travail, Vice-Présidente (PS) du Conseil Régional du Poitou-Charentes, sur son blog.

Le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne mâche pas ses mots en évoquant « La santé au travail assassinée par l’Etat »…

On trouvera ci-dessous le texte intégral de son message, très révélateur du découragement de nombre de Médecins du travail, qui assistent impuissants au démantèlement d’un système auquel ils ont consacré leur vie, via la disparition de leur spécialité, ce qui semble ne choquer personne…

Alors ? En quels termes la Santé au travail sera-t-elle abordée par les responsables politiques, les représentants des Organisations patronales et ceux des Organisations syndicales lors de cette fameuse Conférence sociale ? Si on se fie aux déclarations préliminaires des uns et des autres, il n’y a pas beaucoup d’espoir à nourrir, comme le montre l’article « Santé au travail : gare au grand méchant (f)lou », longue analyse de la situation mise en ligne en deux parties (première partie, publiée le 19 juin, et deuxième partie, le 25 juin) .

Les voyants sont manifestement aujourd’hui à l’orange ou au rouge…

En témoignent les informations concernant les recommandations de bonne pratique, détaillées dans Santé au travail : Recommandations de bonne pratique, état des lieux, ou les interrogations que l’on est en droit de nourrir sur la dérive « anti-éthique » que vit actuellement notre système, exprimées dans Plaidoyer pour que le « microcosme » de la Santé au travail soit vraiment un « cosme… éthique »

La Lettre du Groupement SLMT à Monsieur Sapin ou les commentaires de certains professionnels par rapport au « ménage » dans les SMR vont dans le même sens. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire ceux qui nous ont été adressés après la publication de L’allègement des SMR : une « mise à jour » nécessaire, excessive et… incomplète (GP : chronique actuEL-HSE).

Le discours de Monsieur Combrexelle à l’ouverture du Congrès de Clermont-Ferrand n’était pas plus rassurant, comme nous l’avons montré dans Santé au travail : les Services et les Professionnels au pied du mur ? (analyse du Discours de Monsieur Combrexelle)

On pourrait multiplier ainsi les signes qui attestent de la gravité d’une situation que certains continuent, contre toute évidence, à vouloir présenter comme porteuse d’espoir pour les Entreprises et les Salariés. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille baisser les bras et accepter l’inacceptable. Il y a encore place pour une Santé au travail de qualité et ce n’est qu’en témoignant et en témoignant encore sur les fausses solutions qui sont imposées aujourd’hui qu’une chance subsistera pour que les responsables prennent enfin conscience de l’impasse dans laquelle le système est aujourd’hui embarqué.

Non, nous ne sommes pas tous des lemmings.

Et nous suivrons de très, très près les travaux de la Commission Sociale…

Gabriel Paillereau

Copyright epHYGIE juillet 2012

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La Santé au travail assassinée par l’Etat

Démoralisé, je suis un médecin du travail démoralisé comme des milliers de confrères médecins du travail.

Même plus la force de me battre face à l’assassinat à petit feu de ma profession, face à ces millions de salariés qu’on abandonne en rase campagne.

Ce qui faisait l’originalité de ce métier si passionnant, c’était de pouvoir faire le lien entre l’individuel et le collectif de travail, de pouvoir comprendre à travers la parole des uns et des autres tout ce qui touche au travail, cet espace si précieux pour une majorité d’entre nous dans l’accomplissement de soi.

Combien de salariés, de chefs d’entreprise avons-nous, dans l’ombre, aidés face aux difficultés, aux incompréhensions, aux risques pour la santé, aux accidents de la vie qui remettent en cause le travail.

J’ai participé avec enthousiasme aux évolutions nécessaires de mon métier, si mal ficelé au départ par des professeurs de médecine prônant l’eugénisme, c’est-à-dire la sélection « des bons salariés », leurre si séduisant pour certains. En 25 ans, en plus de ma spécialité de médecin du travail,  j’ai appris l’ergonomie, la psychodynamique du travail, la toxicologie, la conduite d’actions collectives de prévention, le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, la pluridisciplinarité et même le management d’équipe avec une infirmière de santé au travail.

Mais je n’avais pas compris que l’Etat voulait purement et simplement nous supprimer. Depuis 20 ans, nous n’avons cessé d’alerter sur la démographie médicale des médecins du travail et le départ prévisible des 3/4 de la profession entre 2005 et 2015. Et rien, toutes les filières de formation ont été fermées et il y a deux places d’internes en médecine du travail ouvertes cette année pour le Grand ouest. Pourtant, nous ne coûtons rien à la Sécurité Sociale et nous assurons une mission de prévention importante en ces temps où le travail devient souvent difficile pour les uns et les autres.

Dans mon service, aucun recrutement depuis 2008 et 15 médecins partis ces deux dernières années. L’effectif de salariés pris en charge pour un équivalent temps plein est passé de 2 800 à 4 200. Les perspectives démographiques pour 2017 sont de 7 médecins restants dans mon service pour… plus de 90 000 salariés, soit plus de 12 000 par médecin/temps plein ! Même avec des infirmières de santé au travail, c’est mission impossible.

Impossibilité de faire bien son travail, désarroi face à cette disparition programmée, incompréhensible, signe d’un manque majeur de reconnaissance, pression de plus en plus forte des entreprises et des salariés face aux délais de plus en plus longs de nos rendez-vous,… les médecins du travail s’épuisent dans le silence de leurs cabinets médicaux.

Mais pourquoi ?

Françoise Mesnard, Médecin du travail

Vice-Présidente du Conseil Régional du Poitou-Charentes en charge de la Commission Education-Formation-Enseignement supérieur et Médecine du travail

 


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