La Santé au travail mode QVT, COG et CPOM : un progrès, vraiment ?

Alors que la mise en œuvre de la loi du 20 juillet 2011 commence, les informations que l’on peut glaner ici et là permettent d’éclairer un peu le nouveau paysage, cadré désormais notamment par la Qualité de vie au travail, le Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens et le projet de Service, directement inspirés des procédures administratives en vigueur dans les ARS et les Organismes sociaux, dont la CNAM (et les CARSAT), à laquelle un certain nombre de responsables politiques, patronaux et syndicaux souhaitent (sans l’avouer pour certains d’entre eux) rattacher les Services de Santé au travail, les présentant comme l’alpha et l’omega des progrès du système, alors qu’ils sont de simples outils, utiles certes mais objectivement limités, comme je l’ai écrit dans Santé au travail : les Services et les Professionnels au pied du mur ? (analyse du Discours de Monsieur Combrexelle).

Tant qu’à faire, autant aller se renseigner à la source et chercher à savoir ce qu’en pensent les salariés de ces Organismes. Facile puisqu’une négociation sur la Santé au travail est en cours au niveau national entre l’Union des CAisses Nationales de Sécurité Sociale (UCANSS) et les Organisations syndicales représentatives de la branche, dont FO, syndicat majoritaire.

Les positions de ce Syndicat, défendues par le Syndicat National FO des Cadres des Organismes Sociaux (SNFOCOS), dont on peut prendre connaissance sur le site http://www.snfocos.org/, reprises dans un article publié sur le site de Miroir social, sont très instructives et méritent vraiment d’être examinées de près.

Morceaux choisis :

Sur les Conventions d’objectifs et de Gestion et les Contrats pluriannuels

Force est de constater que dans les organismes de Sécurité sociale, la politique des tutelles et des caisses nationales, au travers des conventions d’objectifs et de gestion et leur déclinaison au niveau local par l’intermédiaire des contrats pluriannuels de gestion ont modifié considérablement les conditions de travail. L’inadéquation des missions et des moyens a renforcé la fragilité de la santé de nombreux collègues. La recherche de l’efficience à tout crin, dans tous les domaines et à tous les niveaux est devenue le maître-mot des politiques de branche, entraînant la réduction des moyens, l’augmentation de la charge de travail et les réorganisations des structures de travail.

  • Les effets de cette politique sur la santé des employés et cadres des organismes de sécurité sociale sont patents et dénoncés par les organisations syndicales depuis longtemps. L’absentéisme au travail augmente, les appels au secours de nos collègues et particulièrement des cadres sont nombreux. Le passage à l’acte désespéré est dorénavant constaté.

Sur la Qualité de vie au travail

Cette négociation relative à la santé au travail s’est ouverte en mai 2012. Selon l’employeur (UCANSS), la démarche nationale doit de se décliner par branche, puis au niveau des organismes de base. Sur la forme, il s’agirait d’un accord cadre, qualifié d’accord d’impulsion. Cela a son importance par rapport au périmètre des dispositions à négocier au plan national. Sur le fond, le projet de texte à l’étude met l’accent sur les engagements et responsabilités des acteurs.

  • Il préconise qu’une rubrique dédiée à la qualité de vie au travail soit intégrée dans l’entretien annuel d’évaluation et d’accompagnement.

Notre syndicat rappelle qu’il est a priori favorable à toute mesure concrète permettant d’améliorer l’existant. La nouvelle rédaction du texte précise que : «  les organismes nationaux doivent intégrer, le plus en amont possible, avec la participation de la fonction ressources humaines, l’effet des orientations organisationnelles qu’ils définissent, sur la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail des salariés ». Elle va dans le bon sens même si la notion de qualité de vie au travail mérite d’être précisée. Nous lui préférons les conditions de travail…

Toutes les ressemblances constatées avec les Services de Santé au travail ne sont absolument pas le fruit du hasard ; elles relèvent d’une politique délibérée visant, sous prétexte d’atteindre le plus haut niveau possible d’efficacité, à aligner leurs pratiques, jugées « médiocres » a priori (?), sur celles, réputées meilleures, des Organismes sociaux, ces dernières étant elles-mêmes censées s’inspirer de celles, « performantes », en vigueur dans « le monde de l’entreprise »…

Avec, à la clé, une garantie d’efficacité ? Est-ce bien sûr ?

A chacun de méditer sur cette « tendance lourde », comme on dit, forte du poids que lui confère la technostructure qui l’a imaginée…

Et sur ses effets…

Gabriel Paillereau

Copyright epHYGIE juillet 2012

Photo GP – Tous droits réservés

  • Pour accéder à l’article publié sur le site de Miroir Social, Santé au travail à la Sécu : une négociation sous pression, cliquer ici

 

One Comment

poquet

La mainmise à plus ou moins brève échéance sur la totalité de la Santé au Travail par les Carsat laisserait augurer au mieux un alourdissement des charges de structure pour les entreprises, la perte de contrôle à terme des projets et actions préventives de terrain, et, en corollaire, une moindre efficacité pour la prévention des risques.

La technocratie mise en place serait à même de produire du chiffre dont on connaît l’intérêt auto-justificateur dans ce type d’organisation, management par le chiffre qui a fait les preuves de son inefficacité si besoin.

On observera par ailleurs, dans le cadre de la réforme du 30 janvier 2012, une mise en avant accrue de la responsabilité individuelle des entrepreneurs face aux risques dont ils n’ont pas forcément l’expertise.

On paiera ainsi au prix fort le maintien de certaines féodalités : échec programmé d’une stratégie de « flibustier », dans l’air du temps, pour une réforme de la santé au travail qui a privilégié une logique du « qui perd-perd ».

L’appropriation, chère à nos élites, de ce changement, aurait pu s’envisager avec « des dispositifs de débat et dialogue social » (W. DAB 2012), débat où les acteurs de prévention de la santé au travail auraient pu apporter leur pierre à l’édifice.

Le changement qui s’imposait et sa gestion à coût constant auraient fait œuvre commune, gage de réussite au bénéfice de toutes les parties.

D’Henry Mintzberg et son « pragmatisme opérationnel » à « l’agir communicationnel » d’un Jürgen Habermas, les références abondent pour ceux qui pratiquent régulièrement le changement dans les projets d’amélioration des conditions de travail, que ce soit en ergonomie ou dans toute autre action préventive.

Ces principes de base auraient-ils échappé à nos législateurs ?

Ni lemmings ni… blaireaux !

Bien à vous

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