Les enjeux de la Prévention en matière de Santé : Rapport du CESE (14 février 2012)

Décidément, la Prévention est à l’honneur en ce début d’année. Après l’Administration avec les décrets du 30 janvier 2012 et l’Assemblée Nationale avec le Rapport d’information présenté par Jean-Luc Préel, ce dernier mis en ligne hier sur notre site, c’est au tour du Conseil Economique, Social et Environnemental de s’intéresser à la Prévention à travers un nouvel Avis, « Les enjeux de la prévention en matière de Santé », présenté par MM. Jean-Claude Etienne et Christian Corne, Rapporteurs, et adopté lors de la séance du 14 février 2012. (L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public par 194 voix et 1 abstention)

La réforme de la Santé au travail est loin de faire pareille unanimité…

Nous reviendrons ultérieurement sur cet Avis dans la mesure où, comme le Rapport Préel, il peut éclairer l’évolution du système de Santé au travail dans les prochaines années, et, plus particulièrement, les relations entre Santé au travail et Santé publique.

GP

On trouvera ci-dessous la synthèse de cet Avis :

La prévention en matière de santé est l’un des défis majeurs d’une politique sanitaire encore trop centrée sur le curatif.

Pour le Conseil économique, social et environnemental, plusieurs raisons militent pour qu’aujourd’hui la France donne un nouvel élan à sa politique de prévention :

  • Au niveau individuel

Les lacunes de sa politique de santé perdurent : en dépit d’indicateurs de santé globalement bons, la mortalité prématurée est plus élevée et l’espérance de vie sans incapacité plus faible que dans les autres pays de l’Union européenne. Les inégalités sociales et régionales d’accès à la santé persistent. L’espérance de vie d’un cadre à 35 ans est ainsi de 6,3 ans supérieure à celle d’un ouvrier.

  • Au niveau collectif

L’impact de l’environnement et des conditions de vie est encore trop peu pris en compte. Les pollutions atmosphériques seraient ainsi responsables de 30 000 décès prématurés en France, les pathologies comme le saturnisme perdurent. Les conditions de travail ont également un impact d’autant plus préoccupant que la démographie des médecins du travail s’annonce défavorable.

La nécessité d’apporter des réponses aux nouveaux défis sanitaires : progression des maladies chroniques, niveau élevé des addictions et une consommation de médicaments supérieure à celle de nos voisins européens.

Les leviers existent pour mettre en œuvre une politique de prévention plus efficace :

  • en apportant des réponses concrètes aux lacunes de notre dispositif, à savoir :

– une recherche encore à développer, en épidémiologie notamment ;

– une difficile identification des financements affectés à la prévention faute de distinction suffisante entre curatif et préventif (5,9 milliards d’euros ont été consacrés à la prévention en 2010 auxquels s’ajoutent des dépenses estimées à 5,7 milliards et comptabilisées au titre du curatif) ;

– une évaluation lacunaire et surtout une gouvernance complexe en raison d’une pluralité d’acteurs nationaux et locaux, aux compétences souvent mal définies.

  • en tirant pleinement parti des potentialités ouvertes par les nouvelles approches (neurosciences, télémédecine…).

Les principales préconisations

Initier et diffuser une culture collective de la prévention et accompagner son appropriation par chacun.

La prévention en matière de santé repose à la fois sur la sensibilisation et l’implication de chaque individu, la formation de l’ensemble des professionnels concernés mais aussi la promotion par la collectivité des conditions de vie et de travail propices à un bon état de santé de la population.

Le succès de cette politique de prévention s’appuie donc sur trois piliers :

  • L’implication de tous les citoyens à chaque étape de leur vie

– en assurant le suivi de chaque individu en construisant un véritable parcours de prévention « citoyen ». Il pourrait prendre appui sur des échéances médicales programmées. L’atteinte de cet objectif suppose que la Protection maternelle infantile (PMI) et les services de médecine scolaire, universitaire et du travail puissent jouer pleinement leur rôle et donc disposer des moyens nécessaires. Ce suivi sera également assuré à travers la traçabilité des informations notamment en prévoyant un volet prévention dans le Dossier médical personnel (DMP) ;

– en promouvant la sensibilisation de chacun, à l’école, notamment par l’inscription de la prévention dans les programmes de sciences et technique du vivant dans le cycle préélémentaire et élémentaire ;

– en encourageant les organisations professionnelles à accompagner les entreprises, en particulier les TPE et les PME dans le déploiement d’actions de prévention et en soutenant les initiatives des Caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) dans ce domaine. Enfin la sensibilisation à la prévention des acteurs du domaine social (assistantes sociales…) et l’amélioration de leur collaboration avec les personnels soignants apparaît comme un enjeu essentiel en matière de prévention.

  • La formation des professionnels de santé

– en inscrivant la prévention dans les questions soumises au contrôle de connaissance afin d’en promouvoir l’apprentissage, de renforcer les enseignements sur le diagnostic clinique et sur la connaissance des médicaments dans les études médicales et paramédicales ;

– en veillant à intégrer la prévention dans les orientations annuelles du Développement professionnel continu (DP C) fixées par le ministre.

Fonder de nouvelles approches en prévention et santé publique

Accroître l’efficacité des politiques de prévention suppose :

– de développer des campagnes d’information qui favorisent une meilleure appropriation des messages de prévention par la prise en compte des aspirations, des réticences voire des refus de la population. Leur impact serait accru par l’usage des bonnes pratiques, tirées notamment des neurosciences, et regroupées dans une charte dont la rédaction serait confiée à l’INPES ;

– de partager la connaissance en temps utile, notamment les nouveaux outils comme la cartographie des pathologies en progression de manière à faire apparaître des facteurs de risques sanitaires ;

– en renforçant la capacité épidémiologique de la France et la qualité des politiques d’évaluation (notamment en confiant au Haut Conseil de la santé publique (HSCP) et à la Haute autorité de santé (HAS) le soin de codifier la méthodologie et en permettant à l’INPES de mettre son expertise au service de la prévention dans le domaine de la santé au travail).

  • La meilleure responsabilisation de la collectivité

– dans les activités économiques, par exemple en renforçant le respect des normes de rejet et de nuisances ou le contrôle des produits chimiques toxiques ou allergènes dans les marchandises importées ;

– au niveau de l’habitat ou du cadre de vie en pensant, par exemple, les mobilités douces et en rendant accessible une alimentation saine, en donnant les moyens de respecter les engagements du Grenelle.

Initier une gouvernance nationale de la prévention et une déclinaison territoriale adaptée

La définition d’une nouvelle gouvernance interministérielle est indispensable pour remédier à la très forte dispersion des acteurs. En effet, la prévention en matière de santé ne relève pas de la seule sphère de la santé mais implique plus largement l’ensemble des politiques publiques (habitat, éducation nationale, travail et emploi…).

Aussi le CESE préconise un schéma d’organisation souple :

– un ou deux objectifs annuels prioritaires en matière de prévention seraient fixés, sous l’égide du Premier ministre, aux ministres concernés.

Le Secrétaire général du gouvernement (SGG) validerait la cohérence interministérielle de ces objectifs et de leur déclinaison opérationnelle.

Le Comité d’animation du système d’agences (CASA) inscrirait dans son programme de travail un nouveau thème relatif à l’articulation de la Direction générale de la santé (DGS), des autres ministères et des agences sanitaires. Ce groupe serait piloté par la DGS qui inviterait les ministères concernés.

Par ailleurs, cette gouvernance ne saurait être efficace sans une meilleure coordination du sanitaire, du social et du médico-social afin de favoriser la continuité entre les soins et la prévention. Cette mission relève en grande partie des Agences régionales de santé (ARS ).

Aussi le CESE préconise d’enrichir ses travaux par une étude particulière sur ce nouveau rôle des agences dans le cadre de la loi Hôpital-patients-santé-territoires (HPST ).

Renforcer le volet prévention de la prochaine loi de santé publique qui pourrait voir le jour en 2012.

Le Conseil économique, social et environnemental préconise :

– de sélectionner et de hiérarchiser des objectifs évaluables ;

– de sélectionner les stratégies les plus efficientes ciblant au plus près les populations à risque ;

– de mettre en place un pilotage clair assorti des financements nécessaires ;

– de relayer ces objectifs par des campagnes d’information nationales et locales.

Le dispositif législatif devra comporter un volet de prévention dédié aux jeunes.

  • Pour accéder au texte intégral de l’avis, cliquer ici

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