Loi « travail » : de l’article 44, il ne faut rien garder (Communiqué n° 40 du Groupement Sauvons La Médecine du Travail)

Le Groupement Sauvons La Médecine du Travail (SLMT) ne pouvait rester muet alors que se dessine une réforme qui détricote le système auquel il n’a cessé de manifester son attachement depuis qu’il subit des assauts visant à le « réformer ».

Il vient de publier un nouveau Communiqué, « Loi « travail » : de l’article 44, il ne faut rien garder », le quarantième depuis la création du Groupement, reproduit in extenso ci-dessous.

Ayant participé moi-même au 34ème Congrès de Médecine et Santé au travail auquel ce Communiqué fait largement référence, j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer dans plusieurs articles récents dont les conclusions rejoignent très largement l’analyse du Groupement.

A quand une « vraie » réforme de la Santé au travail ?

GP

Communiqué SLMT n° 40

Loi « travail » : de l’article 44, il ne faut rien garder

La loi dite « travail » vient de nouveau devant l’Assemblée nationale pour y être entérinée soit par un vote à l’arraché, soit par un nouveau coup de force au 49-3 du Gouvernement. L’acharnement du pouvoir sur ce texte, contesté depuis plus de deux mois par une majorité de Français, ne s’explique que par ses enjeux. C’est en effet l’ouverture légale à un détricotage en règle du droit du travail. Ses effets d’aggravation des conditions de travail, de diminution des rémunérations et des garanties sociales pour les uns, de redressement comptable des entreprises et des profits pour les autres, seront très rapides.

Ces mesures ont des conséquences humaines : accidents, maladies, souffrance, pénibilité, précarité et vie difficile pour des milliers de personnes et de familles.

L’article 44 de la loi « travail » supprime la visite de médecine du travail obligatoire pour tous et ouvre la voie à une médecine du travail facultative, sur demande du salarié, qui ne contraint plus l’employeur. Aujourd’hui, l’avis du médecin du travail sur la compatibilité des exigences de chaque poste, pour chaque salarié, avec son état de santé, s’impose à l’employeur. Il est vrai que les conditions de l’emploi précaire (CDD, intérim, temps partiel subi, etc.) permettent souvent de contourner ces obligations. Faut-il donc les supprimer pour cette simple raison, et, si tel est le cas, pour défendre quels intérêts ?

La réponse nous a été fournie le 21 juin 2016 par les défenseurs de la loi « travail », lors de la séance plénière inaugurale du 34ème congrès national de médecine et santé au travail. Après une intervention télévisuelle de la Ministre pour défendre, depuis son bureau, sa réforme, Jean-Marc Soulat, Professeur et dirigeant du collège des enseignants de médecine du travail ouvre le sujet par une intervention sur les« clés de l’avenir de la réforme de la santé au travail ». (1) Il la centre sur les dispositions de la directive CEE 89-391 (2) en indiquant que la réforme qu’il promeut avec la loi travail « vise à mieux coller à la directive ». Or cette directive est conçue pour s’appliquer à tous les membres de l’Union Européenne, y compris ceux qui ne disposent pas de médecine du travail. Le texte européen ne formule qu’une obligation : « chaque travailleur doit pouvoir faire l’objet, s’il le souhaite, d’une surveillance de santé à intervalles réguliers ». Pour le conférencier, c’est là l’avenir de notre médecine du travail, notamment dans son caractère facultatif. Il annonce vouloir y préparer les étudiants, en diversifiant les métiers des services de santé au travail en rapport avec les perspectives qu’offre le secteur de la prévoyance.

Après cette leçon, le Professeur Sophie Fantoni-Quinton (3) co-auteur du rapport justifiant la loi « Travail » s’est lancée dans un plaidoyer libéral en faveur de la disparition de l’avis d’aptitude, de la consultation libre et volontaire pour les salariés et de la liberté de prescrire des médecins du travail.

Ni l’une ni l’autre de ces interventions n’a réellement convaincu la plupart des confrères présents, confrontés à d’autres questions, très concrètes, sur le terrain : celles posées par les salariés en souffrance et celles en rapport avec leurs propres conditions et moyens de travail, qui ne leur permettent ni d’y répondre ni de satisfaire les exigences déontologiques et techniques de leur exercice.

Les Journées de Médecine du Travail ont toujours été l’occasion d’expressions diverses sur l’avenir de la profession. Aujourd’hui, l’importance de l’enjeu qu’est la disparition pure et simple de la médecine du travail, apparaît clairement dans les propos de ceux qui soutiennent cette évolution. Les difficultés auxquelles ils sont confrontés pour la faire accepter sont à la mesure de leur éloignement des intérêts de la santé des salariés, de ceux des professionnels de la santé au travail, et, plus généralement, de ceux de la Nation. Il n’y a aucune raison de les laisser faire.

SLMT le 28 juin 2016

(1) Les référentiels métiers de la multidisciplinarité, clés de l’avenir de la réforme de la santé au travail page 455 Arch. Mal. Prof. Env. 2016 ;77 : 361-1775

(2) CEE 89-391 12 juin 1989 Section IV, dispositions diverses, Article 14, Surveillance de santé

(3) Quelle évolution juridique pour le spécialiste de santé au travail de demain ? page 456 Arch. Mal. Prof. Env. 2016 ; 77 : 361-1775

Pour mémoire, lien vers le précédent Communiqué, publié au début du mois de mai :

Protéger les employeurs des salariés dangereux pour l’entreprise : Communiqué n° 39 du Groupement SLMT

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