Michel Ledoux : l’employeur a l’obligation de tenir compte des préconisations du Médecin du travail

La date du Colloque Regards croisés sur la Santé au travail, qui aura lieu le 29 novembre, est désormais toute proche. C’est la raison pour laquelle je remets en bonne place sur le site l’article signé par Michel Ledoux, publié au cours de l’été, alors que beaucoup des personnes intéressées par le sujet se trouvaient en congés.

Le Colloque sera pour lui l’occasion de faire tout particulièrement le point sur l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur les employeurs depuis les « arrêts amiante » de février 2002, obligation dont il est en partie à l’origine en sa qualité d’avocat particulièrement actif dans ce dossier.

Je tiens à préciser que Michel Ledoux sera présent pendant toute la journée du 29 novembre et qu’il pourra ainsi contribuer largement aux échanges avec les participants, qui constituent le principe central de cette première rencontre transdisciplinaire.

Je reviendrai dans les prochains jours sur les contributions des autres intervenants au cours de ce Colloque, dont l’intérêt se trouve renouvelé par la préparation, apparemment en cours, des textes complétant la loi du 20 juillet.

GP

Nous avons demandé à Michel Ledoux, Avocat à la Cour, spécialiste en Droit social, qui interviendra le 29 novembre prochain dans le cadre du Colloque Regards croisés sur la Santé au travail, de nous donner son point de vue sur l’obligation faite à l’employeur de tenir compte des préconisations du Médecin du travail.

On trouvera ci-dessous son analyse, qu’il complétera largement lors du Colloque. Pour lui, le doute n’existe pas : le coût de la réparation risque de devenir tellement élevé en comparaison avec le coût de la prévention que cela devrait constituer un puissant levier de motivation pour les employeurs. GP

L’obligation qu’a l’employeur d’adapter les postes de travail ou de reclasser son salarié est désormais validée par la Jurisprudence.

Rappelons que le 28 février 2002, la chambre sociale de la Cour de Cassation, à l’occasion des procédures tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable dans le cadre de l’affaire de l’Amiante, a posé le principe d’une obligation de sécurité de résultat :

« en vertu du contrat de travail qui lie un salarié à son employeur, ce dernier est tenu, à l’égard de son salarié, d’une obligation de sécurité de résultat« .

Très rapidement, cette notion née dans le champ du code de la sécurité sociale a migré vers le code du travail.

La chambre sociale de la Cour de Cassation s’appuie désormais sur les dispositions de l’article L.4121–1 (et suivants) du Code du Travail, texte qui impose à l’employeur :

« de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Pour cette même chambre sociale, il s’agit désormais d’une véritable obligation de résultat destinée à rendre effectif le droit à la santé physique et mentale des salariés.

Pour arriver à ce résultat, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires et notamment celles prescrites par le Code du Travail. Cette obligation de résultat est en réalité un principe d’action.

C’est dans ce contexte que les propositions du médecin du travail, telles qu’elles sont prévues par l’article L.4624-1 du Code du Travail, doivent être prises en compte par l’employeur, au risque de lourdes sanctions financières.

En témoignent de nombreuses décisions de Jurisprudence et, par exemple :

–          « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutation ou transformation de poste, justifiées par des considérations relatives à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs que le Médecin du Travail est habilité à faire en application de l’article L.4624-1 du Code du Travail.

Le refus de la salariée de reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du Médecin du Travail ne constitue pas une faute (Cass, Soc, 23 septembre 2009) ».

–          « Ne commet pas un manquement à ses obligations, le salarié dont le Médecin du Travail a constaté l’inaptitude physique, qui, pour refuser un poste de reclassement proposé par l’employeur, invoque l’absence de conformité du poste proposé à l’avis d’inaptitude.

Dans ce cas, il appartient à l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, de solliciter l’avis du Médecin du Travail (Cass, Soc, 23 septembre 2009) ».

–          « L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l’effectivité. Il doit prendre en compte les recommandations du Médecin du Travail et, en cas de refus, faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite (Cass Soc 14 octobre 2009) ».

–          Dans un arrêt du 30 novembre 2010, la chambre sociale de la Cour de Cassation condamne une entreprise dès lors qu’un risque d’exposition à des fumées de soudage avait été identifié, risque en prévention duquel des masques à adduction d’air devaient être mis à la disposition des soudeurs.

La Cour de Cassation considère que la seule circonstance qu’un tel masque n’ait pas été fourni à un intérimaire dès le début de sa mission constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat causant nécessairement un préjudice au salarié. Ainsi, la seule exposition, sans mise en œuvre effective des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire le risque, caractérise un manquement à cette obligation de sécurité, même si l’exposition n’a eu aucun effet avéré sur la santé du salarié.

Au cas d’espèce, le Médecin du Travail, à l’occasion du suivi médical, avait constaté une contamination par le chrome et avait déclaré un salarié intérimaire inapte provisoire à son poste, sans lésion ni maladie déclarée et sans prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Ainsi, la Cour de Cassation contrôle désormais avec une extrême rigueur, d’une part, le respect par l’employeur de son obligation d’adapter les postes préconisés par le Médecin du Travail, et, d’autre part, le respect de l’obligation de reclassement d’un salarié.

Il se confirme que la Jurisprudence, au-delà des « péripéties » législatives sur le statut du médecin du travail, est intraitable sur la problématique de la santé physique et mentale des salariés. Cette exigence conduit à des sanctions financières de plus en plus lourdes pour les entreprises. La réparation des accidents du travail, des maladies professionnelles ou les conséquences des fautes de l’employeur sur le plan contractuel sont de plus en plus onéreuses. La réparation tend à coûter plus cher que la prévention, ce qui ne devrait pas manquer de motiver les employeurs !

Michel LEDOUX

Avocat à la Cour

Spécialiste en Droit Social

MICHEL LEDOUX & Associés

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