Santé au travail (fiction) : une renaissance à l’horizon 2065 ?

Le Président de la République vient, en ce 11 novembre, de rendre hommage pour la première fois « à tous les morts pour la France ». Il avait auparavant déposé une gerbe au pied de la statue de Georges Clémenceau, dernier chef du gouvernement de la première guerre mondiale.

Cet hommage rendu au « Père la Victoire » est l’occasion de remettre au premier plan l’article qui lui était consacré, que nous avions publié au début du mois de septembre. D’autant que ce qui avait justifié sa publication, à savoir les difficultés de la Santé au travail, est toujours d’actualité.

On trouvera ci-dessous, sans modification, le texte de l’article mis en ligne en septembre.

GP

Vous avez dû constater comme moi le pouvoir que l’on a, la nuit, de développer une foule d’idées qui, dans l’instant, brillent toutes d’une lumineuse simplicité. Curieusement, quand vient le jour, tout s’assombrit. Quoique…

J’en veux pour preuve la « révélation » que j’ai eue la semaine dernière.

Comme vous ne le savez pas encore (et, à juste titre, cette information ne vous a pas manqué jusqu’à maintenant), je suis né à Saint-Juire-Champgillon, village de Vendée qui doit en partie sa « notoriété » à Eric Rohmer, lequel y a tourné en 1992 L’arbre, le Maire et la Médiathèque, avec l’évanescente Arielle Dombasle en écrivaine mondaine, l’inénarrable Fabrice Lucchini en instituteur « écolo », et les habitants du village, dont mon ami Rémy dans ses fonctions (bien réelles) de Sacristain. Le village jouxte La Réorthe, commune abritant le château de l’Aubraie, où Georges Clémenceau passa son enfance, et Sainte-Hermine, chef-lieu de canton, petite ville connue pour la statue représentant ce dernier au milieu de Poilus, la seule qui fut inaugurée de son vivant, en sa présence, le dimanche 2 octobre 1921. On notera qu’à Sainte-Hermine, il était vraiment « chez lui », au point que même le cinéma paroissial, que je fréquentais régulièrement quand j’étais enfant, s’appelait « Le Tigre », en hommage à l’homme politique, ce qui ne manque pas de surprendre quand on sait son anticléricalisme et la « guerre » que se livraient, il y a moins d’un demi siècle encore, les tenants de l’école publique et ceux de l’école « libre »…

Si on connaît parfaitement le Polémiste, l’Homme politique, le Chef d’Etat, on connaît beaucoup moins le Médecin, qui exerça son art à Sainte-Hermine même, commune à laquelle il resta très attaché, et, après la guerre de 1870, rue des Trois-Frères, à Montmartre, où il soignait « même le dimanche, une population de petites gens, de travailleurs, d’artisans parisiens durs à la tâche et minés par les soucis quotidiens. » Ce qu’on sait encore moins, c’est qu’il fut, comme l’a brillamment expliqué le Docteur Michel Valentin dans son « Histoire des Hommes et Savants oubliés », l’un des précurseurs de la Médecine du travail française. C’est à lui que l’on doit notamment l’interdiction de la céruse, dont les effets sur la santé des ouvriers peintres étaient à l’époque tout simplement catastrophiques. Les difficultés énormes qu’il eut à obtenir l’interdiction du « blanc poison », acquise finalement en 1909, grâce en particulier à une série d’articles publiés dans le quotidien « L’Aurore », visant à sensibiliser l’opinion publique et les Parlementaires, face à l’influent « lobby » des fabricants de céruse, qui bénéficiait de solides appuis à l’Assemblée nationale, ne sont d’ailleurs pas sans rappeler certains débats récents, actuels et probablement futurs concernant diverses substances mortifères…

Etre « de Sainte-Hermine », ville où mes parents ont été commerçants, dont le Directeur du CEG laïc et premier adjoint au Maire était mon oncle et dans laquelle ma grand-mère maternelle, doyenne de Vendée, a vécu près de 50 ans avant de s’y éteindre à l’âge de 106 ans, et, quand on a choisi de faire de la Santé au travail sa profession, partager ce privilège avec Georges Clémenceau, « le Tigre » ou « le Père la Victoire », son autre surnom, voilà de quoi être fier.

Mais il y a plus étonnant : j’ai, pendant les quelque 30 années de ma vie professionnelle consacrées à la Santé au travail, côtoyé des milliers de personnes, et, parmi elles, deux Médecins du travail originaires eux aussi de… Sainte-Hermine. En clair, nous avons été trois, appartenant à la même génération, à exercer en même temps des responsabilités relativement importantes en Médecine du travail : le premier en qualité de Directeur du plus gros Service de Santé au travail interentreprises professionnel de France, le deuxième en qualité de Responsable médical d’une des plus grandes Entreprises françaises, et moi-même en qualité de représentant des Services interentreprises au plan national…

Sacrée coïncidence, comparable à celle, pour en revenir à Georges Clémenceau, qu’il soit né à Mouilleron-en-Pareds, autre petite ville de Vendée, le 28 septembre 1841, et que le Maréchal Jean de Lattre de Tassigny, autre personnage clé du XXème siècle, y soit né lui aussi, près de 50 ans plus tard, le 2 février 1889. Ils y sont réunis aujourd’hui dans l’hommage commun qui leur est rendu au Musée national des deux Victoires.

C’est là que ma « fulgurante » idée de la semaine dernière prend toute sa signification : comment ne pas penser en effet que l’environnement de Sainte-Hermine, aux confins de la Plaine et du Bocage, partagé entre les Bleus et les Blancs, prédisposerait à la Santé au travail ?

Il n’y a là qu’un pas, que je m’empresse évidemment de franchir. Alors que l’avenir de la Santé au travail apparaît incertain, on en vient à imaginer, avec l’absence totale de bonne foi et de rigueur scientifique qui doivent appuyer pareille question/affirmation, que c’est de Sainte-Hermine que viendra le « Salut ».

Partant du constat, simple et tellement pratique, qu’un siècle a séparé la naissance du Grand homme et celle de ses Héritiers, et considérant que, conformément à une « théorie des cycles » que vous ignorez certainement mais dont je me porte garant, un siècle environ devrait logiquement séparer leur naissance de celle d’un « Successeur » ; prenant également en compte le fait que, entre Sainte-Hermine et Champgillon, à Thiré exactement, se trouve la propriété du plus célèbre des Vendéens d’adoption, William Christie, Grand Maître de la Musique baroque avec son ensemble, « Les Arts Florissants », ce qui est de toute évidence, aux yeux d’un initié, le renvoi symbolique à l’Art médical et à son Renouveau, on peut (dé)raisonnablement faire la prédiction de l’heureux événement entre 2040 et 2050 et d’une Renaissance de la Santé au travail aux alentours de 2065, ce qui laisse du temps pour s’y préparer, mais, évidemment, pour reprendre la formule d’un chroniqueur de « France un faux », vous n’êtes pas obligés de me croire !

Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE septembre 2012
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PS : cet article est bien évidemment à lire au moins au 3ème degré…

  • Pour en savoir plus sur Georges Clémenceau, précurseur de la Médecine du travail, cliquer ici
  • Pour en savoir plus sur l’interdiction de la céruse, à partir de l’article « Saturnisme : les ouvriers peintres contre la céruse », publié dans le numéro 65 de la revue Santé & Travail, paru en janvier 2009, cliquer ici

 

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