Santé au travail : les problèmes liés à la pénurie de Médecins du travail bientôt résolus ?

Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de présenter des innovations technologiques surprenantes, comme par exemple la « fourchette vibrante » à visée diététique.

C’est à nouveau le cas, à partir, cette fois-ci, d’une information des plus sérieuses relevée dans le Quotidien du Médecin daté du 20 juillet 2013 : le sujet abordé est grave puisqu’il traite des déserts médicaux.

L’article nous fait découvrir la photo d’une « Cabine de téléconsultation », invention du Docteur Franck Baudino, qui la commercialise à travers la Société « Health for development » (H4D), implantée à Aix-en-Provence.

Du passé de l’inventeur, « Médecin généraliste de formation », on apprend qu’il a travaillé « dans des zones sous-denses mais aussi au Vietnam, en Inde et en Amérique du Sud ». L’article nous dit tout de ce véritable « couteau suisse » de la visite médicale, qui abrite, « entre autres, un électrocardiogramme, un stéthoscope, une caméra pour un examen dermatologique, une caméra pour un examen ORL ainsi que des appareils de mesure pour le poids et la taille, ce qui en fait « un cabinet médical automatisé, comprenant tous les instruments pour un examen « non invasif » », selon Franck Baudino.

On y découvre – non sans surprise, pour ce qui me concerne – que « l’utilisation de ces télécabines est autorisée et réglementée par un décret sur la télémédecine paru en octobre 2010 » et qu’« elle a reçu l’aval de plusieurs agences régionales de santé (ARS) et de l’Ordre des médecins ». « Elles disposent même d’horaires d’ouverture adaptés afin d’éviter de concurrencer les médecins ». Mieux encore, « la consultation médicale faite dans la cabine est prise en charge normalement par la Sécurité sociale. »

De quoi me couper définitivement le sifflet, d’autant que, toujours selon les termes de l’article, les machines, dont plus de 30 ont d’ores et déjà été commandées, pour un montant total d’environ 2 000 000 d’euros (ce qui signifie que chaque cabine coûte un peu plus 60 000 euros), « seront, dans un premier temps, installées en France, en zones rurales et dans des quartiers défavorisés et, par la suite, vendues à l’étranger (Gabon, Bulgarie) »…

Pour tout savoir de ces merveilleux engins, au design apparemment impeccable, je ne peux qu’inviter les visiteurs de notre site à lire d’urgence l’article du Quotidien et à se rendre sur le site de la Société.

Je ne me permettrai évidemment pas de critiquer la qualité du travail du Docteur Baudino, qui semble en tout point remarquable, car, après tout, il ne fait que réagir, en respectant textes et institutions de référence, à une situation dégradée qui ne lui est pas imputable. De plus, comment pourrait-on lui adresser le moindre reproche, alors que, dans la période difficile que nous traversons, sa cabine dûment brevetée permet à notre Pays d’augmenter le volume de ses exportations.

Oui, mais…

Le problème que pose cette invention est d’un autre ordre.

Comme probablement beaucoup d’autres lecteurs, je trouve plutôt affligeant, pour ne pas dire pire, que l’idée, née de constats effectués dans des pays parmi les plus démunis au monde, ait fait l’objet d’un travail de recherche/développement et d’expérimentation conduit en France même, en vue d’une commercialisation… en France, et, dans un second temps, dans des pays d’Afrique et d’Europe de l’Est.

Le symbole est inquiétant à mes yeux car il signifie que notre Pays, en dépit de l’ancienneté et de l’excellence de son système médical, serait irrémédiablement condamné à subir l’aggravation de la désertification médicale et à devoir accepter, comme s’il s’agissait d’un progrès, appuyé qui plus est par les plus hautes autorités (CNOM et ARS notamment), le remplacement de l’acte médical classique par un court séjour dans une « machine à tout faire », bourrée de technologie certes mais privée d’une qualité essentielle : le contact direct, physique, avec un Médecin.

Même si l’on ne doit pas refuser par principe les vertus du progrès technique, cela n’interdit pas de garder un peu de recul. On pourra consulter à ce sujet le long dossier que j’avais consacré à la télémédecine, il y a deux ans déjà. On pouvait y lire notamment : « si la télémédecine est bien un « acte médical à part entière », présentant un réel intérêt puisqu’elle permettra d’avoir « un avis spécialisé, sans déplacer le patient ou le spécialiste », alors même que « 20 % de la population vit sur 80 % du territoire », elle ne pourra pas tout couvrir. « Si un patient souffre d’une douleur abdominale, il faut que le médecin palpe le ventre », dit le Docteur Lucas, Vice-Président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Et la télémédecine « ne remplacera pas la rencontre entre le médecin et des patients qui en ont besoin ».

On ne perd évidemment pas de vue non plus le constat pitoyable d’être placé au même rang que n’importe quel pays du tiers monde ou de l’ancien bloc de l’est…

Voilà pour le versant attristant de la cabine de télésurveillance. Un autre versant, très heureux, lui, concernant cette fois la Santé au travail, m’est apparu dès la lecture de l’article du Quotidien du Médecin.

Nous savons tous que la pénurie de Médecins du travail frappe notre Pays depuis longtemps et que personne ne parvient à y mettre un terme. Et pourtant, la solution est là, à portée de main, depuis plus de quinze ans déjà, avec les géniales inventions de deux Médecins du travail, Christian Koenig et François Jabot, ce dernier à la retraite depuis peu, qui, bien avant que le Docteur Baudino n’ait déposé son premier brevet, avaient imaginé diverses solutions techniques permettant de rentabiliser le temps médical et/ou de faire face à la pénurie :

  • d’abord, le tampon « Aptatout » (sur une idée de Christian Koenig mise en forme par François Jabot), que nous avons présenté dans un précédent article (Santé au travail : étude épidémiologique de l’impact de la VMS (Visite Médicale Simplifiée) sur un échantillon représentatif d’une population suivie par un SST lorrain), et qui, actualité oblige, doit être mis en relation avec le nouveau modèle de fiche d’aptitude ;
    (reproduction ci-après)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • ensuite, des deux mêmes, la « Mallette de Médecin du travail spéciale pour Entreprises vues sur place », qui illustre cette période pas encore totalement révolue où les Médecins du travail effectuaient de nombreuses visites in situ dans des Entreprises ni très grandes, ni très bien équipées, expression de la grande estime dans laquelle la profession est tenue par certains ;
    (reproduction ci-dessous)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • et encore, la « Machine à dépister les risques psychosociaux » (comme on dirait aujourd’hui) qui avait occupé la première page de couverture du n° 16 de la revue de la Fédération Française de Médecine du travail, en 1998 ; c’est dire combien cela pouvait être sérieux ;
    (reproduction ci-dessous)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • enfin et surtout, en relation directe avec notre propos, la « Machine à passer les examens de Médecine du travail », dont on trouvera le schéma simplifié ci-dessous.

 

Comment ne pas reconnaître le caractère profondément innovant, visionnaire même, de notre Léonard de Vinci (je pèse mes mots) de la Santé au travail, qui, des années avant que son confrère n’invente sa « Cabine de téléconsultation », avait imaginé LA solution miracle à la pénurie et à la désertification en Médecine du travail.

Je laisse le soin à chacun d’en apprécier les potentialités, étant entendu que toutes les propositions d’améliorations sont les bienvenues dès lors qu’elles permettront d’aller dans le sens de l’histoire, c’est-à-dire de faire le maximum d’examens au moindre coût dans le minimum de temps.

 

Pour ma part, j’estime que son look doit être modernisé et qu’il faut l’aménager de telle sorte qu’il puisse être utilisé par des salariés des deux sexes, afin de ne pas tomber sous le coup de plaintes pour discrimination. On pourrait même lui adjoindre un distributeur de boissons fraîches, voire un générateur de rayons UV, histoire de donner à la consultation un petit air de vacances et de contribuer ainsi à la promotion de la QVT !

Plus besoin de former de nouveaux Médecins du travail ou d’en « importer » d’Europe de l’Est ou de Belgique (qui, de toute façon, n’en a plus de disponibles, comme vient de le confirmer récemment le Docteur Carlier dans un article publié sur notre site), pas plus que de faire appel à des Médecins Collaborateurs ou à des Infirmières du travail, comme le prévoit la réforme du système.

Les « Machines à passer les visites » brevetées BDJ (acronyme de Bon Docteur Jabot) y pourvoiront.

Une dernière amélioration évidente à leur apporter, comme le prouve le schéma joint : il faudra assurer le passage du franc à l’euro et adapter le prix en veillant à ce qu’il demeure compétitif, mais, à mon avis, ce ne devrait pas être trop difficile…

Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE/FJ/CK août 2013
Inventions et Dessins François Jabot/Christian Koenig
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