Une réforme pour rien ?

Bâclée dans sa préparation, critiquable dans la méthode choisie pour son adoption, incomplète en ce qu’elle passe sous silence des sujets essentiels comme le financement des Services ou l’évolution de l’aptitude, dangereuse enfin parce qu’elle risque d’être à l’origine de pratiques contraires aux intérêts des salariés et des entreprises, la proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 janvier dernier n’est pas à la hauteur des enjeux de la Prévention et n’apporte aucune solution réelle aux problèmes qui justifient la nécessité et l’urgence de la réforme du système français de Santé au travail.

Cela signifie que le texte transmis à la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, qui sera examiné par les Députés au mieux à la fin du mois de mai, ne règle rien au fond, au point de conduire à s’interroger sur la raison d’être de dispositions qui ont toutes chances de déboucher sur un échec brutal et l’obligation de réorganiser une nouvelle fois le système à brève échéance.

Comme une telle issue est pratiquement sûre, comment expliquer qu’apparemment, rien ne soit fait pour l’éviter ? La réponse est probablement que cet échec est attendu (« programmé » ne serait-il pas un qualificatif plus approprié ?) par certains, nécessaire en tout cas, indispensable même, pour légitimer une approche totalement différente de la Prévention, dans laquelle les Services interentreprises de Santé au travail issus de la loi de 1946 n’auraient plus leur place.

Le « replâtrage » proposé n’est-il pas, en définitive, l’instrument que certains groupes de pression préparent en coulisse depuis des années, avec de moins en moins de discrétion, sans que la plupart de ses zélateurs en soient avertis ni même conscients, destiné à conduire le système à la faillite, pour en imposer un nouveau que certains « partenariats » existants et les prises de position de divers acteurs éclairent chaque jour davantage, à condition bien évidemment de décrypter les messages dont ils sont porteurs ?

La question de l’avenir de la Santé/Sécurité au travail et de la Prévention des risques professionnels est fondamentalement Politique.

Si les Elus de la Nation et les partenaires sociaux, employeurs et salariés, qui sont les principaux intéressés, ne parviennent pas rapidement à jeter les bases d’une stratégie cohérente à moyen et long terme, si le champ est ainsi laissé libre à ceux pour qui Santé au travail rime avec nouveau marché, chiffre d’affaires et profits, c’est bien à l’Etat, garant de l’intérêt général, qu’il appartient de reprendre l’initiative au plus vite, quitte à revoir complètement la « copie », pour éviter l’asservissement, voire la mise en coupe réglée du système.

Il est de son devoir de s’entourer des garanties nécessaires pour éviter tout risque de dérapage mercantile, préjudiciable aux salariés, aux entreprises et à la Société dans son ensemble.

Gabriel PAILLEREAU

 

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