Après le troisième recours au 49-3, qui a permis l’adoption définitive de la Loi Travail (qu’on a du mal à appeler Loi El Khomri, tant la contribution de notre Ministre du travail à son contenu apparaît marginale), le seul événement qui pouvait en retarder la promulgation était un recours devant le Conseil constitutionnel.
C’est chose faite et ça l’est même de façon plurielle : en effet, aux premiers recours, déposés par des Sénateurs et des Députés appartenant aux Groupes LR et UDI, s’en est ajouté un troisième, déposé, lui, par 61 Députés de gauche, parmi lesquels plusieurs anciens Ministres.
Un véritable « Devoir de vacances » (dont il se serait probablement volontiers passé) attend donc Laurent Fabius, premier gros travail depuis qu’il a succédé à Jean-Louis Debré à la tête de la haute juridiction de la rue Montpensier.
Si le contenu des saisines des uns et des autres diffère sensiblement (voir à ce sujet les articles de presse qui suivent), une réalité demeure : la Loi Travail divise toujours autant, à gauche en particulier, et au sein même du Parti socialiste où les « frondeurs » n’ont pas rendu les armes…
Le Conseil constitutionnel dispose d’un mois pour se prononcer. Dur, dur au beau milieu de l’été…
Même état d’esprit du côté des Organisations syndicales opposées au texte, qui ont d’ores et déjà programmé une nouvelle journée nationale de mobilisation le 15 septembre prochain.
Dans l’intervalle, le Gouvernement pourrait être inondé de cartes postales d’un nouveau genre si l’initiative de la CGT et de ses « alliés » parvient à susciter l’adhésion de nombreux salariés, malgré la dure concurrence des congés et des Jeux Olympiques…
Si la Médecine du travail ne fait pas partie des sujets mis en avant par les élus de la droite et du centre dans leurs saisines, elle est en revanche bien présente dans celle, de portée très générale, déposée par 61 Députés appartenant à toutes les familles de la gauche représentées à l’Assemblée nationale, Parti socialiste compris, comme elle l’avait été dans leurs interventions dans le cadre de la Commission des Affaires sociales.
Un constat similaire peut être fait au Sénat, particulièrement pour les Sénateurs appartenant au Groupe Communiste Républicain et Citoyen, les plus mobilisés contre l’article 44 du projet de loi relatif à la modernisation de la Médecine du travail, comme le montrent notamment les interventions de Madame David et de Monsieur Watrin, en Commission et en séance.
La Médecine du travail est également très présente dans les critiques des Organisations syndicales opposées à la loi, CGT et CGT-FO en tête…
Il faudra donc attendre encore pour connaître l’avenir réel d’une réforme dont tout le monde sait qu’elle est particulièrement mal engagée, même si le Ministère du travail en est extrêmement satisfait, si l’on se fie à la présentation officielle qui en est faite sur son site :
« Comment permettre à l’ensemble des salariés de bénéficier d’un véritable suivi de leur santé au travail ? C’est tout l’enjeu porté par la loi, qui a pour objectif de moderniser la médecine du travail en la rendant plus efficace et plus ciblée, dans un contexte où les recrutements de médecins du travail sont de plus en plus difficiles à opérer.
Cette réforme positionne les médecins du travail comme les acteurs centraux et incontournables de la prévention des risques professionnels. Entourés d’équipes pluridisciplinaires, ils pourront assurer un suivi adapté à la situation de chaque salarié, en donnant la priorité à ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés. Le principe selon lequel « tout travailleur bénéficie, (…) d’un suivi individuel de son état de santé » est introduit et sanctuarisé pour la première fois dans la loi.
Tous les salariés bénéficieront ainsi d’un suivi médical et d’une visite d’embauche.
Les médecins du travail rencontreront en particulier les salariés amenés à occuper des postes de sécurité ou à risque.
Les autres salariés bénéficieront d’une visite de sensibilisation et de prévention aux risques professionnels réalisée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire comme un infirmier, autant de professionnels de la santé au travail qui interviendront sous l’autorité du médecin du travail.
Concernant les travailleurs de nuit, la loi précise qu’ils doivent faire l’objet d’un suivi médical spécifique qui sera défini par décret après une phase de concertation avec les partenaires sociaux.
Les parlementaires ont complété le texte en ajoutant que la visite d’information/prévention faite par un membre de l’équipe pluridisciplinaire fera l’objet d’une attestation qui permettra d’assurer un meilleur suivi de chaque salarié. Par ailleurs, les obligations de reclassement en cas d’inaptitude ont été renforcées par rapport à la version initiale. Enfin, le gouvernement doit remettre au Parlement d’ici l’été 2017, un rapport présentant des propositions sur l’attractivité de la carrière de médecin du travail. »
Faut-il en rire ou en pleurer… ?
Ainsi, au-delà de la « pommade » destinée à flatter les Médecins du travail pour leur faire comprendre à quel point leur rôle est essentiel (« Cette réforme positionne les médecins du travail comme les acteurs centraux et incontournables de la prévention des risques professionnels »), on peut relever, à titre d’exemple, dans le discours officiel du Ministère, que « Le principe selon lequel « tout travailleur bénéficie, (…) d’un suivi individuel de son état de santé » est introduit et sanctuarisé pour la première fois dans la loi ».
Tous les Professionnels savent bien qu’il n’en est rien.
Maladresse ? Mensonge ? Supercherie ? J’hésite sur le qualificatif approprié…
Mais, quoi qu’il en soit, c’est bien ce qui est écrit…
Je laisse évidemment à chacun le soin d’apprécier un texte qui, selon moi, a tout d’un cocktail d’hypocrisie, de désinformation et… de méthode Coué.
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 27 juillet 2016
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Pour en savoir plus, cliquer sur les liens suivants :
En faveur de la Loi
Loi Travail : présentation officielle de l’ensemble du texte sur le site du Ministère
Loi Travail : présentation officielle du volet consacré à la Médecine du travail
Contre la Loi
Saisine du Conseil Constitutionnel
Dans la Presse
Loi travail : des parlementaires, de droite et de gauche, saisissent le Conseil constitutionnel (Le Monde)
Loi travail : 61 frondeurs saisissent le Conseil constitutionnel (Le Figaro)
La CGT propose d’envoyer des cartes postales anti-loi travail à Hollande (Le Figaro)
Pourquoi les frondeurs ont saisi le Conseil constitutionnel sur la loi Travail (Huffington Post)
Loi Travail : le Conseil constitutionnel est saisi (L’Express/L’Entreprise)
L’échéancier de future publication des décrets à prendre en application de la loi Travail est paru au JO. Concernant l’art 102 de la loi (celui concernant la médecine du travail), curieusement, le décret le plus attendu des professionnels à savoir sur les modalités du suivi individuel renforcé (art 102, II, 6°) n’est pas annoncé dans cet échéancier.
Hello !
La loi travail a été publiée et on commence à en voir les décrets d’application.
Elle comporte un volet « réforme de la santé au travail » dont la disposition principale est la mise en place de « visites de prévention » qui seront principalement assurées par les Infirmières de santé au travail en remplacement des visites médicales (détermination de l’aptitude) par les médecins du travail pour les salariés affectés à des postes sans risques particuliers.
C-à-d grosso-modo que la surveillance médicale que nous connaissions sera réduite aux salariés affectés à des postes à risques particuliers qui seront déterminés par décrets (probablement déjà ceux comportant des expositions aux risques actuellement soumis à surveillance médicale renforcée).
Ce dispositif de visites de prévention par les IST ressemble à celui des entretiens infirmiers (apparu il y a peu d’années) tendant à soulager les MT d’une part du travail qu’ils assumaient (pénurie de MT oblige…).
A+