Dans une longue et très instructive interview, mise en ligne le 19 juillet sur le site d’A part entière, revue numérique de la Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés (FNATH), Christophe Sirugue, Rapporteur de la « Loi travail » à l’Assemblée nationale, répond aux questions de Pierre Luton sur le volet Médecine du travail du texte.
Son contenu est d’autant plus intéressant que l’entretien s’est déroulé au mois de mai, alors que le projet de loi venait d’être adopté grâce à un premier recours à l’article 49-3. On en était donc au tout début seulement de l’odyssée parlementaire du texte.
Beaucoup d’événements se sont produits depuis : adoption par le Sénat d’un texte sensiblement différent, échec de la Commission mixte paritaire, deuxième 49-3, refus du Sénat de discuter le texte transmis par l’Assemblée nationale, troisième et dernier 49-3, et, pour finir, saisines (au nombre de trois) du Conseil Constitutionnel…
Et ce n’est pas fini puisque les Partenaires sociaux opposés à la loi entendent poursuivre leur lutte au mois de septembre…
Ce scénario n’était pas celui dont rêvait Christophe Sirugue, manifestement peu porté sur le 49-3…
C’est en tout cas la principale leçon que je tire personnellement de ses réponses, marquées selon moi par une réelle volonté de faire avancer les choses, ce qui est tout à son honneur, volonté malheureusement gâchée (« à l’insu de son plein gré ? », selon la formule désormais culte d’un ancien coureur cycliste) par trois facteurs au moins :
D’abord, la prise en compte de données parfois très critiquables, ce que je déplore vivement : d’où viennent en particulier les fameux « 3 millions de visites médicales (sont) effectuées sur 20 millions d’embauches par an » qu’on nous sert depuis la simplification à la « sauce Mandon », à l’automne 2014, repris comme s’il s’agissait d’une donnée indiscutable alors qu’aucune étude scientifique digne de ce nom n’en atteste la réalité ?
Ensuite, la référence au seul Rapport Issindou, dont il n’est pas inutile de rappeler que la justification première, pour les Pouvoirs publics, avait été de servir de contrefeu afin de faire oublier les tentatives répétées, à la fois pitoyables et… « maladroitissimes », de réformer la Médecine du travail par ordonnance, via la loi Macron d’abord, la loi Touraine ensuite, immédiatement après la présentation calamiteuse des « idées » relatives à la Médecine du travail contenues dans le « choc de simplification »…
Enfin, l’absence d’ambition, comme si, en particulier, le manque de Médecins du travail était une fatalité : « La réalité c’est que nous déplorons déjà des inégalités, parce que l’on manque de praticiens et parce qu’il existe une multiplication de contrats courts durant lesquels la visite n’est pas faite, faute de temps. »
Une conclusion s’impose après avoir lu ce texte : la réforme issue de la Loi Travail n’est finalement qu’un pis-aller. Et d’ailleurs, Christophe Sirugue ne le reconnaît-il pas lui-même implicitement lorsqu’il affirme « Je ne prétends pas que ce que l’on construit aujourd’hui est le top, mais ça permet une avancée » ?
« Pas au top » est-il synonyme de « flop » ?
La perspective d’une nouvelle réforme à brève échéance n’est pas une probabilité.
Elle est une certitude.
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 28 juillet 2016
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Pour accéder à l’interview de Christophe Sirugue, cliquer sur le lien suivant :
Loi travail et médecine du travail
Article publié le 19 juillet sur le site d’« A part entière » (APE), revue numérique de la FNATH
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