Alors que, pendant de nombreuses années, la Médecine du travail a vécu une vie somme toute « paisible », à l’abri des luttes entre Organisations patronales et syndicales, dégagée des obligations pesant sur les Entreprises, la Santé au travail est confrontée, depuis une quinzaine d’années, aux mêmes exigences qu’elles, en matière comptable et fiscale notamment.
Parallèlement, les besoins de Santé au travail n’ont cessé de progresser, en relation étroite avec les mutations profondes de l’économie et de l’organisation du travail, à l’origine de nouveaux risques professionnels que la Société hyper-médiatisée dans laquelle nous vivons interdit de passer sous silence, comme l’illustre la réaction immédiate des contrôleurs de la SNCF après l’agression dont vient d’être victime un des leurs.
On pourrait espérer, à partir de ces simples constats, non seulement que les Services de Santé au travail « se professionnalisent » (ce qu’ils font) et que les Entreprises intègrent la dimension « Santé au travail » à leur politique, mais encore que les uns et les autres « revoient leur copie » au regard de responsabilités et de besoins de Santé au travail toujours plus forts.
« Professionnaliser » les Services de Santé au travail, ce n’est pas (ou plutôt, ce n’est pas uniquement) faire qu’ils soient correctement gérés ; c’est encore moins les faire entrer dans une logique marchande contraire aux valeurs qui ont présidé à la création de la Médecine du travail en 1946. Professionnaliser les Services, c’est précisément faire en sorte qu’ils remplissent au mieux la mission que le législateur leur a confiée : éviter toute altération de la Santé des travailleurs du fait de leur travail.
L’« Economie de la Santé au travail » devrait avoir pour seul objectif de permettre à tous ceux qui travaillent de ne pas être victimes de leur travail, tout en veillant à le faire sans gaspillage de ressources. Est-ce bien ce que nous vivons aujourd’hui ? La réponse semble être doublement négative : d’une part, les impératifs d’une saine gestion ne sont-ils trop souvent assimilés à la seule recherche du moindre coût ? D’autre part, l’intrusion des règles du marché dans le domaine de la Santé ne conduit-elle pas à transformer en commerce ce qui devrait n’être que service d’intérêt général ?
En fait d’« Economie de la Santé au travail », on nous sert le plus souvent la dimension « Economie », au mépris de la dimension « Santé au travail ». Et pourtant, toutes les études prouvent que les bénéfices d’une Santé au travail respectueuse de l’Homme au travail sont considérables, pour le Travailleur lui-même bien sûr mais aussi pour l’Entreprise et pour la Société dans son ensemble.
Alors, oui, évidemment, il faut développer l’« Economie de la Santé au travail » mais à condition qu’elle ne fasse pas l’économie de la Santé au travail…
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 6 octobre 2011
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