Gabriel Paillereau préside Ephygie, cabinet de conseil en santé au travail qu’il a créé. Il a été secrétaire général durant de nombreuses années du Cisme, qui fédère la plupart des services de santé inter-entreprises. Il nous livre son analyse sur la situation et la réforme des services de santé au travail.
Comment expliquez-vous la pénurie actuelle de médecins du travail ?
Nous avions connu une amélioration début 2000 car les services avaient pu faire appel à des médecins généralistes qui ont été régularisés par la suite. Par ailleurs, un système de reconversion a permis lui de convertir plusieurs centaines de médecins généralistes en spécialistes. Aujourd’hui, ces deux systèmes sont clos, de sorte que la formation est la seule voie d’accès à la médecine du travail.
Forme-t-on suffisamment de médecins du travail ?
Non évidemment. Pour être médecin du travail, il faut avoir son DES (diplôme d’étude spéciale), soit 4 ans après l’internat. C’est la seule voie possible et exclusive pour devenir médecin du travail. Or, les effectifs s’amenuisent. L’un des gros enjeux à l’avenir sera de recréer des passerelles avec d’autres spécialités ou de recourir à des médecins étrangers qui ont un diplôme équivalent dans leur pays.
A la une 18 avril 2011
actuEL Ressources Humaines
Journal en ligne des Editions législatives
Dominique Le Roux
Les médecins du travail sont très critiques sur la réforme des services de santé. Que craignent-ils ?
La perte de leur indépendance. Que la responsabilité du suivi des salariés soit placée sous l’influence des chefs d’entreprise.
Vous plaidez en faveur d’un partage clair des tâches entre infirmiers et médecins ?
Oui car ce n’est pas fait aujourd’hui. Il faut définir les missions de chacun et les tâches que les médecins du travail peuvent ou non déléguer à d’autres. Compte tenu de la pénurie, il faudra que les médecins acceptent que d’autres qu’eux-mêmes puissent s’occuper de santé au travail. A cet égard, il est vital de créer un diplôme national d’infirmiers d’entreprises. Il n’existe aujourd’hui qu’un diplôme inter-universitaire santé au travail (DIUST) à Lille et Strasbourg.
L’inaptitude est la grande absente de la réforme des services de santé au travail ?
Oui. L’inaptitude n’est absolument pas traitée alors qu’elle est source de contentieux et de difficulté au quotidien. IL faut redéfinir cette notion d’aptitude au travail qui doit rester de la seule responsabilité du médecin du travail. Mais aujourd’hui, le médecin a un droit de vie et de mort sur l’emploi du salarié. Ce n’est pas sain. Dans la continuité des propositions émises dans le rapport Gosselin, il est nécessaire de réserver l’avis médical d’aptitude aux seuls cas de risques avérés et d’avoir un suivi plus fin des postes à risques.
Vous êtes favorable à un espacement des visites périodiques ?
Pour les salariés qui ne sont pas affectés à des tâches pénibles ou comportant des risques : oui et à la condition qu’ils puissent voir le médecin à leur demande. Espacer les visites permettra aux services de dégager du temps pour faire de la prévention.