La Santé, facteur de compétitivité au travail

L’article qui suit est d’un intérêt majeur car il constitue une synthèse remarquable des connaissances actuelles en matière de relations entre travail, santé et performances de l’entreprise. Sur la base des nombreux rapports publiés ces dernières années, Nathalie Barreau, avocate, qui en est l’auteur, montre que la santé des travailleurs et la compétitivité des entreprises ne sont pas nécessairement incompatibles, à condition bien évidemment qu’il y ait « une prise de conscience profonde du risque psychosocial […] et de ses conséquences pour les salariés » de la part des entreprises.

Poursuivant sa réflexion, l’auteur considère qu’il semble donc inévitable au regard des enjeux de santé des salariés et de performance de l’entreprise, à celui de responsabilité sociale aussi, de repenser les modes de management, de recréer un équilibre qui intègre la performance tant sociale qu’économique.

Les conclusions auxquelles elle parvient rejoignent très largement, par d’autres voies, celles d’Hervé Lanouzière dans son article, La prévention des risques psychosociaux sous l’angle du Code du travail, se gardant de confondre « l’approche risque » et « l’approche bien-être » et considérant que les solutions sont managériales et organisationnelles, ce qui signifie que les managers qui sauront être sauront faire car la qualité des relations humaines constitue un facteur décisif de la performance des organisations.

Gabriel Paillereau

PS : j’ai introduit le maximum de liens dans le corps même de l’article pour lui donner toute sa « densité ».

 

La Santé comme facteur de compétitivité au travail

La santé psychologique au travail constitue un véritable enjeu de société. La prévention des RPS (Risques psychosociaux) en est l’une des récentes illustrations. Managers et dirigeants ont un rôle à jouer pour préserver la santé des salariés.

C’est une lapalissade : la santé physique et psychologique des salariés est un facteur clé de la compétitivité des entreprises : ce sont les salariés qui sont acteurs de la performance des organisations.

Les récents rapports, études, directives européennes et lois sont là pour nous le rappeler si tant est que nous en ayons un temps douté. La prise de conscience des entreprises est croissante : il est désormais admis que la qualité de vie au travail contribue à l’épanouissement et à l’implication des salariés. Partant, l’amélioration des résultats des entreprises en est une conséquence positive quantifiable.

Des chiffres éloquents

Selon une étude GALLUP réalisée aux Etats-Unis entre 2000 et 2004, le désengagement des salariés au travail aurait un coût. Inversement il y aurait une corrélation entre santé et engagement : les salariés les plus engagés seraient en meilleure santé. Ainsi, 62 % des salariés engagés estiment que le travail a des conséquences positives sur leur santé physique. Les écarts selon le degré de motivation s’avèrent encore plus flagrants lorsqu’il s’agit de santé mentale. Ainsi, 78 % des salariés engagés estiment que leur vie professionnelle est positive pour leur santé mentale contre 15 % chez les salariés désengagés.

A ces chiffres on peut ajouter ceux d’une enquête de l’ANACT de mars 2009 qui met en lumière que 40 % des Français se déclarent stressés et 60 % le seraient du fait de leur travail. L’enquête OVAT de juin 2009 corrobore ces données : 64 % des salariés sont insatisfaits de la gouvernance sociale de leur entreprise, 40 % ne sont pas heureux et 50 % sont stressés. Entre 50 et 60 % des arrêts de travail sont dus au stress.

Des corrélations qui semblent claires

Les enquêtes sont éloquentes : dès lors qu’on agit sur la qualité de vie au travail, dès lorsque l’on prend en compte la santé, on constate une réduction sensible de l’absentéisme, du turn-over, des cotisations arrêts de travail, des coûts liés aux assurances collectives voire aux frais de recrutement des remplaçants. Les bénéfices sont tangibles : l’amélioration du climat de travail est notable, les conflits et dissensions diminuent, la motivation croît tout comme l’engagement et la qualité des prestations.

Un constat international

Puisque les conditions sur le lieu de travail changent constamment, les mesures liées à la santé et à la sécurité au travail se complexifient et doivent s’adapter à ces réalités. Le BIT relevait dans une étude de 2009 que des pays de plus en plus nombreux actualisent leur politique de santé et sécurité au travail consacrée aux nouveaux risques sur le stress ou les maladies musculosquelettiques ainsi qu’à la promotion de bonnes pratiques.

Le défi consiste donc en la prise de conscience, la détermination de plans d’action pour permettre de perfectionner les systèmes nationaux de prévention. Cela passe, en l’état actuel des connaissances, par l’identification, la reconnaissance puis l’indemnisation des maladies professionnelles.

Il est en outre intéressant de constater que le stress est la deuxième cause la plus fréquemment répertoriée dans les troubles de la santé liés au travail et qu’il touchait en 2005 22 % des travailleurs de l’Union Européenne. Cela coûte 20 milliards d’Euros par an à l’Europe, entre 830 à 1560 millions à la France et représente entre 3 et 4 % du PIB des pays industrialisés. Les raisons de cet accroissement de la pression ont trait essentiellement à des charges de travail plus lourdes et à des demandes grandissantes de mobilité et de flexibilité.

La reconnaissance internationale du stress comme cause de maladie professionnelle dénote depuis quelques années un réel changement de perception des facteurs de risques professionnels dans le monde.

Un contexte sociétal en constante évolution

Les entreprises sont confrontées à des choix complexes. A l’heure de l’allongement de la vie professionnelle et des transformations accélérées du monde du travail, les enjeux de leur performance économique passent par la préservation de leur capital humain et de son maintien en bonne santé.

Or ça n’est pas une tâche facile. En effet, si études et enquêtes montrent que le travail tient en France une grande place, structurante dans la vie des Français, s’il contribue à leur épanouissement, il est aussi de plus en plus source de stress et de souffrance.

Plus que jamais le management des entreprises est tiraillé entre deux exigences longtemps considérées comme contradictoires : la performance économique de l’entreprise et la santé de ceux qui y travaillent. La pression s’est immiscée dans le quotidien des entreprises, elle s’est intensifiée avec la complexification du monde du travail et la globalisation de l’économie. Cette pression grandissante a progressivement permis de mette en lumière l’exigence d’un management conscient et donc respectueux de l’importance du facteur humain surtout à l’heure des restrictions financières et budgétaires.

Une préoccupation actuelle

Il y a dix ans, le stress tenait le devant de la scène juridique en matière de santé au travail. Il fut détrôné en 2002 avec les dispositions réglementant le harcèlement moral au travail. Depuis, et tout particulièrement ces trois dernières années, le législateur n’a eu de cesse d’enrichir son dispositif de prévention et la jurisprudence d’en affiner le contenu.

Désormais, la transposition de l’accord national sur le stress de 2008 est une priorité : la dimension contraignante du plan Darcos ne laisse guère le choix aux entreprises. La lutte contre le stress et les troubles psychosociaux au travail est placée au rang des priorités du nouveau « plan santé au travail 2010-2014 ». En outre, un nouvel organisme, le COCT (Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail) a été créé il y a tout juste un an. Le rapport « Bien être et efficacité au travail – 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail –» de Février 2010 (Rapport Lachmann) s’inscrit dans cette mouvance et fait suite au Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social (Rapport Stiglitz). Pour la commission, le bien-être – notion pluridimensionnelle qui inclut le travail – des Français doit être inclus dans les indicateurs de croissance et de PIB. Pour les rapporteurs, la gestion du stress professionnel n’est qu’un aspect des dysfonctionnements des entreprises et « le vrai enjeu est le bien-être des salariés et leur valorisation comme principale ressource de l’entreprise ».

Des solutions ? Managériales et organisationnelles

L’entreprise performante doit donc relever le défi de mobiliser les énergies et motivations des salariés. Elle le fera d’autant mieux qu’elle apportera des solutions originales au regard de sa volonté d’être compétitive. En effet, il n’y a pas de boîte à outils magiques pour lutter contre les risques psychosociaux, c’est-à-dire améliorer la santé au travail. Les RPS sont multifacettes et surviennent du fait de nombreux déterminants (cf le rapport Lachmann). L’entreprise soucieuse d’augmenter la qualité de vie au travail adoptera une démarche de prévention selon les 6 indicateurs ANACT. Cela passera aussi sans doute par un changement de perception de la réalité des liens entre santé et performance, partant d’une prise de conscience profonde du risque psychosocial de l’entreprise et de ses conséquences pour les salariés.

La démarche visant à améliorer la santé pour gagner en productivité impliquera une réflexion préalable, une observation minutieuse des situations, la pose d’un diagnostic idéalement pluridisciplinaire. Cela permettra des réponses aux questions « quoi » et « pourquoi » avant que des solutions (« comment ») soient trouvées, juridiques et managériales. Comme certaines études l’ont mis en exergue, il sera essentiel que la démarche soit collective et systémique, préventive et d’amélioration. Il convient en effet d’analyser la santé sous trois angles complémentaires : individuel, relationnel/managérial et sous celui de l’interface entre l’individuel et l’organisation. Seule cette approche rendra compte des dysfonctionnements et permettra la mise en place de solutions adéquates, durables et performantes.

Il semble donc inévitable au regard des enjeux de santé des salariés et de performance de l’entreprise, à celui de responsabilité sociale aussi, de repenser les modes de management, de recréer un équilibre qui intègre la performance tant sociale qu’économique.

Dans le contexte du monde du travail en mutation permanente, cela passe par un accompagnement du changement, un accompagnement des managers dans leur fonction de gestion des ressources humaines, la mise en place d’un mode de communication interne authentique et efficace et une responsabilisation des salariés acteurs de la performance individuelle et collective. C’est d’ailleurs ce que révèle le dernier rapport BCG (Boston Consulting Group) d’octobre 2010 sur les enjeux des DRH. Ceux-ci doivent, dans l’ordre, améliorer et développer le leadership, manager les talents, renforcer l’engagement des salariés, mesurer la performance des salariés, améliorer le management de la performance et la rétribuer, gérer les coûts du travail…

Ceci permet d’asseoir l’image d’une entreprise socialement responsable et soucieuse de ses collaborateurs.

Puisque l’identité est une armature de la santé mentale, les salariés doivent se sentir impliqués, reconnus et rétribués pour le travail effectué. L’autonomie et la confiance doivent leur être accordées pour qu’ils se sentent motivés et utiles donc performants individuellement pour un résultat également collectif. La coopération est plus que jamais d’actualité.

Il faut aussi désormais réintroduire du sens dans l’entreprise car la finalité est un formidable levier de performance.

Les managers qui sauront être sauront faire car la qualité des relations humaines constitue un facteur décisif de la performance des organisations.

Cet article a fait l’objet d’une publication dans le N°41 de la Revue RH&M.

Nathalie BARREAU
Avocate – Médiatrice
NBAvocats

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