Ouverture, ce matin-même, au Palais des Congrès de la Porte Maillot, du 34ème Congrès national de Médecine et Santé au travail, grand-messe bisannuelle réunissant un peu plus de 3 000 participants (exposants compris), parmi lesquels de nombreux Médecins du travail. Comme beaucoup, je me demandais quelle ambiance y régnerait, compte tenu des débats actuellement en cours au Sénat sur le projet de loi El Khomri et de l’opposition résolue de plusieurs Organisations syndicales aux dispositions relatives à la réforme de la Médecine du travail qu’il contient, dans la droite ligne des Conclusions du Rapport Issindou.
La question était d’autant plus justifiée que, selon le programme, Myriam El Khomri en personne viendrait faire la promotion de son texte. J’en doutais personnellement très fort, eu égard aux difficultés (euphémisme) qu’il rencontre (ou qu’il crée) depuis que son avant-projet a été rendu public, il y a plus de quatre mois déjà…
Quatre mois d’un accouchement particulièrement pénible dont aucune péridurale n’a pu à ce jour annihiler les douleurs dues à son extrême brutalité. Il m’apparaissait évident que notre jeune Ministre du travail, à la peine sur ce dossier, avait déjà suffisamment à faire sur tous les autres aspects de sa loi pour ne pas gaspiller de temps et d’énergie sur un volet tout à fait marginal du texte. Tellement marginal d’ailleurs que je me demande encore et toujours ce qu’il fait là…
Le sens du devoir ministériel l’a naturellement emporté, Myriam El Khomri choisissant d’être là où sa présence était politiquement la plus utile : au Sénat, où l’opposition « réécrit » le projet de loi visant à « instituer de nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s ». On n’en est pas encore à l’examen des dispositions relatives à la réforme de la Médecine du travail, objet de l’article 44, puisque la dernière séance s’est achevée dans la nuit avec le rejet de l’amendement 722, art 29 bis A du texte. Il reste donc un peu de temps encore avant qu’on ne sache avec exactitude à quelle sauce le Sénat mangera la Santé au travail !
Ce qui est sûr en tout cas, indépendamment du devoir qui était le sien d’être en première ligne, sur le front ouvert au Sénat, c’est que notre Ministre a fait le bon choix. Si elle s’était rendue Porte Maillot, sa déconvenue aurait été forte. L’annonce de son absence par Madame Bourrillon, Présidente du Comité d’Organisation du Congrès, a en effet été immédiatement suivie d’une salve nourrie de sifflets, de huées, de quolibets de la part d’un public pourtant habituellement peu enclin à manifester son désaccord de façon aussi peu respectueuse de l’ordre établi.
Quoique… Les plus anciens d’entre nous se rappellent certains précédents tout aussi bruyants : à Nantes, Paris (déjà), Lille, Grenoble…, toujours sur fond de réformes mal ficelées. Mais, exception faite de Martine Aubry dans sa ville de Lille, en 2000, les « victimes » avaient toujours été les Directeurs généraux du travail, Olivier Dutheillet de Lamothe et Jean-Denis Combrexelle, jamais le Ministre du travail.
Le brouhaha n’a fait que redoubler, aussitôt après cette annonce, faite sur un ton particulièrement embarrassé, accompagné cette fois de sarcasmes, quand on a appris que, bien qu’absente physiquement, Myriam El Khomri serait présente malgré tout, sous la forme d’une vidéo enregistrée spécialement pour l’occasion.
La bronca a alors cessé, dans l’attente de la fameuse vidéo, et les interventions faites en tribune se sont succédé sans provoquer autre chose que les applaudissements polis qui siéent à ce type de manifestation.
Lancée très rapidement, aussitôt après les derniers mots du dernier intervenant, au point de me faire rater le début de mon enregistrement, l’intervention de Madame la Ministre, débitée sur le ton d’une élève très appliquée (jouant à la gentille Maîtresse d’école) faisant son premier exposé oral devant son Professeur et ses camarades de classe (et d’infortune), avait deux objets : primo, prouver que tout était bon dans la loi puisqu’elle reposait sur un Rapport d’une qualité exceptionnelle et sur le climat extraordinairement consensuel qui règne aujourd’hui dans le GPO du COCT, manifestement « THE place to be », l’endroit où il faut être aujourd’hui pour comprendre tout le sens d’un vrai dialogue social ; secundo, la Médecine du travail ne pouvant être exercée que par des Médecins du travail, et ces derniers (des Mohicans ?) composant l’essentiel de l’auditoire, leur dire combien leur rôle est essentiel et, mieux encore, leur faire une « déclaration d’amour » !
Médecins du travail, nous vous aimons : un discours peu entendu à ce jour, il faut bien l’avouer !
Ecouté dans un silence quasi-religieux du début à la fin, excessivement sirupeux, ponctué de statistiques contestables et contestées, d’une maladresse à la hauteur de l’application de son auteur, le message de notre Ministre s’est achevé comme avait débuté la séance : par des sifflets !
Et pas question de s’éterniser. Il fallait donner un dernier coup de sifflet pour signifier la fin du cours et envoyer tout le monde en récréation. Fort heureusement, c’était l’heure de la pause. Et d’un bon café pour nous remettre de toutes les bonnes nouvelles que nous venions d’apprendre !
Restait à découvrir le contenu des premières conférences, dont celle de Sophie Fantoni-Quinton, co-auteur, avec Michel Issindou et quelques autres, du fameux Rapport à l’origine de tous les mots de Madame El Khomri et de nos maux, actuels et à venir…
Mais c’est une autre histoire, sur laquelle j’aurai plaisir à m’attarder demain.
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 23 juin 2016
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PS : je n’ai pu mettre en ligne la vidéo que j’ai réalisée de l’intervention de Madame El Khomri (une dizaine de minutes au total), jugée trop « lourde » par mon système, mais je ne désespère pas de le faire bientôt, dès que j’aurai trouvé la solution technique appropriée.
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