C’est sous ce titre particulièrement pessimiste que le Professeur Hubert Seillan, Rédacteur en chef et Directeur des publications du Groupe Préventique, observateur particulièrement averti du système français de Santé au travail, a choisi de présenter le Dossier de la réforme dans la revue Préventique- Sécurité datée de mars-avril 2011.
Résumé du dossier et Commentaires
Après un rappel des données historiques principales du système français de Santé au travail, il présente les nouvelles données, montée en puissance de la Santé publique (ANSES, InVS) et des Associations de victimes (amiante) en particulier.
Il s’interroge ensuite sur la conception de la Santé, résultat, but ou moyen, et sur les relations entre Santé au travail et Santé publique, pour conclure que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces relations ne sont pas conflictuelles, ce dont il ne faut pas se réjouir mais plutôt s’inquiéter dans la mesure où la « paix » actuelle, simple « fruit d’une absence de volonté », serait « portée par la faiblesse de chacun des deux systèmes ».
Ayant passé en revue les principales dispositions de la proposition de loi adoptée par le Sénat, missions et priorités des Services, rôle des médecins, paritarisme et rôle des Directeurs, il donne son avis sur le texte lui-même.
Son jugement est sévère : il n’apporte selon lui que « des solutions secondaires aux grands enjeux de la Santé au travail », ne délivre « aucun message fort » et « satisfera cependant tous ceux qui pensent la responsabilité comme des épiciers en période de pénurie ». Même si les mesures annoncées vont dans le bon sens, le message délivré est « flou » et même « brouillardeux ».
Sans un souffle fort des entreprises, sans la confiance des salariés et des professionnels de la Santé au travail, sans la coopération des organismes de Sécurité sociale et des instances de Santé publique, aucune réforme n’est possible alors que le contexte actuel rend la Santé au travail plus nécessaire que jamais.
Les partenaires sociaux seront-ils capables de compenser la carence de l’Etat ? On peut le souhaiter mais l’échec des négociations, à l’automne 2009, laisse mal augurer de la suite. La conclusion de l’article d’Hubert Seillan se présente comme un encouragement fort à engager une démarche de consensus, en souhaitant une nouvelle approche et en rappelant que « si le règlement oblige, le contrat engage ».
Suivent les contributions des partenaires sociaux, dont les titres résument la philosophie : le MEDEF, apparemment globalement satisfait du texte de la proposition de loi, qui considère que « le pilotage régional est un enjeu majeur de la réforme », la CGT et la CFDT, selon lesquelles « le texte ne permet pas de franchir une étape significative », et la CFTC, pour laquelle « il s’agit d’un non-texte qui ne règlera aucun des problèmes actuels de la Santé au travail ».
Le dossier s’achève avec le point de vue de Michel Turpin, ancien Directeur de l’INERIS, « Où va le bateau des Services de Santé au travail ? ». Au terme d’une analyse sans concessions du système et de la proposition de loi, où il considère que « la Médecine du travail s’est isolée, marginalisée et a attiré la foudre des critiques », que « le texte de loi est dans la tradition de notre pays, c’est-à-dire long, complexe et cherchant à traiter tous les cas de figure », où il cite « les mille ficelles qui ligotent Gulliver », il conclut en se demandant si, « plutôt que de poursuivre, sans grande conviction, le rafistolage actuel », il ne vaudrait pas mieux « reposer le problème dans toutes ses dimensions et prendre le temps d’y réfléchir » pour ne pas » laisser naviguer un bateau devenu ivre ».
La vision de la réforme de la Santé au travail donnée par cet article, et d’une façon générale, par l’ensemble du dossier, peut sembler bien sombre. Elle rejoint la mienne, telle que je l’ai déjà exprimée à travers les deux premiers éditoriaux mis en ligne sur ce site : Une réforme pour rien ? et Sur le métier remettre l’ouvrage. Pour que la Santé au travail sorte enfin de l’ornière dans laquelle elle se trouve depuis trop longtemps, ce qui est heureusement encore possible, il faudrait que ceux à qui appartient le pouvoir de décision prennent vraiment la mesure des difficultés actuelles (c’est chose faite selon moi) et des besoins à satisfaire (on est loin du compte dans ce domaine), et qu’ils aient le courage de mettre à plat le système pour le refonder : c’est ce courage qui fait aujourd’hui défaut, alors que, comme l’a fort bien écrit Hubert Seillan, il faut « un grand et beau texte pour un sujet aussi noble que la Santé au travail ».
Gabriel Paillereau
Pour accéder au Sommaire du n° 116 de Préventique-Sécurité et à l’introduction du dossier, aller sur le site du Groupe Préventique
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