Lors de la Conférence sociale tenue au début du mois de juillet, plusieurs thèmes de réflexion avaient été annoncés, dont celui relatif à la Qualité de Vie au Travail (QVT). Nous avions alors remarqué la place (très) limitée accordée à la Santé au travail.
Les premiers échanges entre partenaires sociaux ont débuté le vendredi 21 septembre dernier. Ils se poursuivront le 9 octobre à partir d’un document de travail intitulé « Amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle », qui comporte 22 items (ou thèmes de discussion).
On notera d’emblée, dans l’Introduction, la référence à « l’approche de la compétitivité française », document publié en juin 2011 (signé par la CGPME, le MEDEF, l’UPA, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC), dans lequel il était indiqué :
« Les partenaires sociaux ont souligné que la compétitivité des entreprises est également fondée, outre la compétitivité coût/prix, « sur l’importance de la qualité de l’organisation et du management, vecteurs de mobilisation des salariés, et donc de productivité des entreprises ».
Il était ainsi explicitement reconnu que « la performance d’une entreprise repose à la fois sur des relations collectives constructives et sur une réelle attention portée aux salariés en tant que personnes ».
Selon les termes mêmes du document de travail, son objet (Titre I) est « de permettre, par une approche systémique de la qualité de vie au travail, d’améliorer les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et donc la performance économique de l’entreprise.
Cette approche systémique n’a pas pour objet de se substituer au respect des droits fondamentaux existants pour les salariés dans chacun des domaines concernés. »
On retiendra une nouvelle fois la place essentielle accordée à « la performance économique de l’entreprise », présentée comme la résultante de l’amélioration des conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail.
Suit une délimitation de la qualité de vie au travail (Titre II) comprenant :
- d’une part, une « définition », issue des délibérations entre partenaires sociaux :
« La notion de qualité de vie au travail renvoie à des éléments multiples, relatifs en partie à chacun des salariés mais également étroitement liés à des éléments objectifs qui structurent l’entreprise.
Elle peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu individuellement et collectivement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, le sentiment d’implication et de responsabilisation, l’équité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué.
Ainsi conçue, la qualité de vie au travail désigne et regroupe les dispositions récurrentes abordant notamment les organisations du travail permettant de concilier les modalités de l’amélioration des conditions de travail et de vie pour les salariés et la performance collective de l’entreprise. Elle est un des éléments constitutifs d’une responsabilité sociale d’entreprise assumée.
Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte. »
- d’autre part, une « description », à travers la présentation de 8 éléments dont la conjonction contribue à la perception, par les salariés, de la qualité de vie au travail :
– la qualité de l’engagement à tous les niveaux de l’entreprise,
– la qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise,
– la qualité des relations sociales et de travail,
– la qualité du contenu du travail,
– la qualité de l’environnement physique,
– la qualité de l’exercice du travail,
– les possibilités de réalisation et de développement personnel,
– la possibilité de concilier vie professionnelle et vie personnelle.
On observera que la Santé au travail en tant que telle est absente, ce qui ne veut pas dire que les préoccupations dans ce domaine soient négligées : elles sont tout simplement noyées au milieu de ces 8 éléments, comme si la Santé au travail (au sens où elle est mise en œuvre par les Services de Santé au travail) ne nécessitait (ou ne méritait) pas une approche spécifique.
Le Titre III du projet présente une série de moyens visant à améliorer la qualité de vie au travail dans le cadre du dialogue social pour contribuer à rendre l’Entreprise plus compétitive, cette référence à la compétitivité prouvant une nouvelle fois la prééminence de la dimension économique dans ce dossier.
Le Titre IV, consacré à « la démarche de mise en œuvre de la QVT (intégrant l’égalité professionnelle) dans l’environnement de l’Entreprise », insiste sur le rôle des branches, celui des acteurs territoriaux et la formation des futurs managers.
Le choix des thèmes du Titre V, « Atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », et du Titre VI, « Favoriser une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle », confirme les priorités annoncées au cours de la Conférence sociale, essentielles certes, mais qui ne correspondent en rien à celles mises en évidence par les multiples Rapports publiés ces dernières années en vue de la réforme de la Santé au travail.
Il faudra certes attendre les prochains échanges entre Partenaires sociaux, à partir du 9 octobre prochain, pour se faire une idée plus précise de cette fameuse QVT mais on peut d’ores et déjà affirmer que le traitement de la question sera probablement plus inspiré par la vision anglo-saxonne (et européenne) des relations entre Travail et Santé que par la philosophie de la Santé au travail « à la française », et reposera davantage sur les conclusions du Rapport Lachmann (fort intéressantes et utiles au demeurant) que sur celles du Rapport Conso/ Frimat/IGAS…
Affaire à suivre de très près car il apparaît assez improbable que les Organisations syndicales s’accommodent toutes sans rechigner d’une orientation qui, manifestement, n’est pas spontanément la leur.
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE septembre 2012
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- Pour accéder au Document de travail des Partenaires sociaux sur la QVT, cliquer ici
- Pour accéder au Rapport de juin 2011 sur « L’approche de la compétitivité française », cliquer ici
On pourra également relire les articles précédents sur le même thème :
Post scriptum : on consultera avec intérêt l’intervention (incluant une vidéo) d’Henri Lachman, co-auteur du Rapport « Bien-être et efficacité au travail » cité plus haut, On a su bâtir des murs alors qu’il faudrait construire des ponts, publiée le 26 septembre sur le site de l’ANACT, c’est-à-dire postérieurement à la mise en ligne de cet article.
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