On trouvera ci-dessous l’avant-propos du Rapport d’Information du Sénat établi par M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Catherine Deroche au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale, consacré au financement de la branche AT-MP, enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 2012.
Le contenu de ce Rapport est d’autant plus intéressant que les dernières informations dont nous disposons sur l’évolution de la Santé au travail montrent que certains acteurs influents de la Santé au travail et de la Prévention des risques professionnels ont pour objectif, affiché ou non, de rattacher la Santé au travail à la Sécurité sociale.
On relèvera, dans l’audition de Franck Gambelli, Président (MEDEF) de la CAT-MP, l’extrait qui suit, relatif à la Prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles :
« Annie David. – La réforme en cours met l’accent sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Qu’en pensez-vous ? Est-il possible d’améliorer la prévention ?
Franck Gambelli. – Nous y œuvrons en limitant la dispersion des moyens. Pour traiter la prévention des risques concernant dix-huit millions de salariés, les Carsat n’emploient qu’un nombre limité d’ingénieurs et l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) de chercheurs. Ils ne peuvent pas agir seuls sur les bassins d’emploi. Nous souhaitons développer les actions communes avec l’Etat, l’assurance maladie et la médecine du travail. Pour cela, il faudra multiplier les partenariats avec les branches professionnelles et les régimes de sécurité sociale. »
La réponse de Franck Gambelli à la question de Madame David prouve, si besoin était, la faiblesse des moyens des CARSAT et la nécessité de développer des actions communes, avec « la Médecine du travail » en particulier.
On ne peut que souscrire à ce constat mais il faudrait, dans ces conditions, que les relations entre CARSAT et Services de Santé au travail soient véritablement des relations de partenariat et non des relations de subordination.
Est-ce vraiment la voie sur laquelle on engage actuellement le système ?
Les informations regroupées dans l’article Réforme de la Santé au travail : gare au grand méchant (f)lou… (deuxième partie), mis en ligne récemment sur notre site, conduisent à en douter très sérieusement…
Gabriel Paillereau
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PS : à noter que la CAT-MP a arrêté, le 4 juillet, les orientations à inclure dans la Convention d’Objectifs et de Gestion de la branche pour la période 2013-2015, « dans la droite ligne de la COG précédente » dont elle « renforce les ambitions en matière de tarification, prévention et réparation » selon le Vice-Président (CGT) de la CAT-MP, Jean-François Naton.
Avant-propos du Rapport d’Information du Sénat
Le financement de la branche accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) a suscité jusqu’à présent peu d’intérêt pour deux raisons. D’une part, les enjeux financiers sont considérablement moins importants que ceux des autres branches de la sécurité sociale. D’autre part, les modalités de ce financement sont doublement spécifiques. Tout d’abord elles n’impliquent ni cotisation salariale ni affectation d’une part de la contribution sociale généralisée (CSG). L’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles repose donc intégralement sur les entreprises. Ensuite, le niveau des cotisations suit des principes assurantiels et s’ajuste aux dépenses de la branche. Celle-ci doit donc être toujours à l’équilibre, sauf période d’ajustement liée à une brusque augmentation des dépenses ou à la non-perception de certaines recettes.
Cependant, au cours des trois dernières années, le financement de la branche a pu paraître fragilisé. Trois années de déficit non pris en charge par une augmentation des cotisations, en 2009, 2010 et 2011, ont constitué une dette d’environ 1,7 milliard d’euros que le Gouvernement avait, dans le cadre du PLFSS pour 2011, proposé de transférer à la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Le Sénat ayant rejeté cette mesure, la question de la résorption de la dette est depuis en suspens ; elle n’a été reposée qu’à l’occasion du débat sur le PLFSS pour 2012 et au travers des auditions de vos rapporteurs.
Parallèlement, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche pour deux exercices consécutifs, 2010 et, à nouveau, 2011. Ce refus est fondé sur plusieurs défaillances dont la Cour estime « l’énumération […] inquiétante ». En 2010 ces défaillances ont été « d’une portée et d’une intensité accrues », mais elles ont un caractère structurel puisqu’elles ont fait l’objet de réserves formulées avec une intensité croissante au cours des dernières années. La Cour estimait qu’elle ne « dispos[ait] [que] d’une assurance insuffisante sur l’exactitude et l’exhaustivité des cotisations AT-MP, qui représentent les trois quarts des produits de la branche ». En 2011, l’approfondissement des travaux de la Cour a conduit à un nouveau refus de certification. La Cour constate que « Les insuffisances cumulatives du contrôle interne dans la branche AT-MP et l’activité de recouvrement portent atteinte à l’exhaustivité et à l’exactitude des cotisations sociales affectées à la branche AT-MP ».
Cette situation pose plusieurs questions pratiques. Comment améliorer durablement les modalités de financement de la branche afin d’assurer sa pérennité et donc l’indemnisation des victimes du travail ? A court terme, comment financer la dette ? Mais une question de principe leur est sous-jacente, car la commission AT-MP qui gère la branche est la seule enceinte de dialogue social continu au sein de la sécurité sociale. Il faut donc se garder d’adopter des solutions qui délitent le lien de confiance entre partenaires sociaux.
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