Deuxième exemple de modification significative du Code du travail introduite par le projet de décret qui sera examiné par le COCT, la Surveillance Médicale Renforcée (SMR). La comparaison entre l’actuel article R. 4624-19 et le futur article R. 4624-22 révèle l’ampleur de la « révolution » qui s’annonce :
Actuel article R. 4624-19 : Bénéficient d’une surveillance médicale renforcée :
1° Les salariés affectés à certains travaux comportant des exigences ou des risques déterminés par les dispositions particulières intéressant certaines professions ou certains modes de travail. Des accords collectifs de branche étendus peuvent préciser les métiers et postes concernés ainsi que convenir de situations relevant d’une telle surveillance en dehors des cas prévus par la réglementation ;
2° Les salariés qui viennent de changer de type d’activité ou d’entrer en France, pendant une période de dix-huit mois à compter de leur nouvelle affectation ;
3° Les travailleurs handicapés ;
4° Les femmes enceintes ;
5° Les mères dans les six mois qui suivent leur accouchement et pendant la durée de leur allaitement ;
6° Les travailleurs âgés de moins de dix-huit ans.
Futur article R. 4624-22 : Bénéficient d’une surveillance médicale renforcée :
1° Les travailleurs âgés de moins de dix-huit ans ;
2° Les femmes enceintes ;
3° Les salariés exposés à l’amiante, aux rayonnements ionisants, au plomb et au risque hyperbare
4° Les salariés exposés aux températures extrêmes, au bruit, aux vibrations, au port manuel de charges, aux agents biologiques, aux agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, aux rayonnements optiques artificiels et aux gaz destinés aux opérations de fumigation ;
5° Les salariés travaillant dans les égouts ;
6° Les travailleurs handicapés.
De la liste actuelle, ne subsisteraient à l’identique que trois catégories de travailleurs : les travailleurs âgés de moins de dix-huit ans, les femmes enceintes et les travailleurs handicapés. Disparaîtraient en revanche celles des travailleurs « migrants » et des « jeunes » mères. Ces propositions de modifications ne surprennent pas, tant elles étaient discutées depuis de nombreuses années.
L’essentiel se trouve évidemment ailleurs, aux 3°, 4° et 5°, sous la forme d’une liste limitative et… particulièrement limitée de risques justifiant le classement en SMR. En procédant ainsi, on a certes « modernisé » une liste que certains jugeaient obsolète depuis longtemps : la suppression du travail sur écran de la liste des travaux justifiant une SMR ou la mise au premier plan de l’exposition à l’amiante sont deux des exemples les plus significatifs de cette « mise à jour ».
Ils ne suffiront certainement pas, aux yeux des professionnels de la Santé au travail, à masquer le fait qu’un nombre important de risques contenus dans les décrets dits « spéciaux » ou dans l’arrêté de 1977 sont ainsi « passés à la trappe » et que certains risques dits émergents sont, eux, « oubliés ».
L’apparente « omission » des métiers et postes concernés par des accords collectifs de branche étendus, ainsi que de situations en dehors des cas prévus par la réglementation, ne manque pas non plus de surprendre.
Ce « choix » permet à la fois d’aller vite en faisant l’économie d’une réflexion approfondie (et très délicate) sur les textes qui fondent aujourd’hui la plupart des SMR (afin de ne pas ouvrir la « boîte de Pandore »). Il réduit par la même occasion le nombre d’examens médicaux qui doivent être effectués par des Médecins du travail, et ce d’autant plus que le futur article R. 4624-19 instaure de facto une « SMR à deux vitesses » en ouvrant officiellement la voie aux « entretiens infirmiers » pour les SMR prévues aux points 4° à 6°.
On est en droit de s’interroger sur ses conséquences à moyen et à long terme. Ne risque-t-on pas en effet, en négligeant certains risques professionnels majeurs et en espaçant les examens périodiques obligatoires pour les salariés qui y sont exposés, de créer les conditions d’une véritable « explosion » que la désormais omniprésente obligation de sécurité de résultat ne fera que rendre plus grave et plus coûteuse encore ?
Certains représentants des partenaires sociaux, dans la discussion à venir, ne manqueront probablement pas de poser publiquement la question.
Gabriel Paillereau
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