J’ai dénoncé, dans le précédent article mis en ligne sur notre site, Bilan des Conditions de travail 2014 : analyse (très) critique des « données chiffrées de la Médecine du travail », ce que je considère personnellement comme une véritable « arnaque », à savoir la reprise, dans le Bilan 2014 des Conditions de travail, sans explication ni excuse, des données chiffrées de la Médecine du travail déjà publiées dans le Bilan 2013.
On trouvera, dans le tableau joint en annexe (sauf erreur ou omission de ma part), les différences que j’ai répertoriées à la lecture de ces deux Bilans.
Il est aisé de constater qu’elles sont généralement de pure forme, probablement dues simplement au travail d’un relecteur zélé, appliquant avec rigueur les règles en vigueur dans le secteur de l’édition, telles qu’elles sont rappelées dans un petit ouvrage, « Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale », dont je ne peux que recommander la lecture.
Au total, le passage de la version 2013 à la version 2014 s’accompagne de trois suppressions (en caractères de couleur rouge), d’un seul ajout (en caractères de couleur verte) et d’une rédaction entièrement revue (en caractères de couleur bleue).
On remarque également quelques changements de détail dans certaines formulations, visant à les simplifier et/ou à les préciser pour en faciliter la lecture.
Plusieurs fautes d’orthographe grossières disparaissent (ainsi, « relais » remplace « relai », et « qui se sont vu confier » remplace « qui se sont vus confier »), ce qui n’empêche pas qu’il en subsiste une malgré tout, concernant les « personnels administratif » (sic), surlignée en jaune.
Les autres cas de surlignage concernent des textes communs aux deux versions dont le contenu pose question :
– ainsi, « En Franche-Comté, sur les 109 médecins du travail exerçant dans la région, 63 ont plus de 60 ans (58 %). En dix ans, cette région a perdu les deux tiers de son effectif en médecins du travail et l’installation de médecins étrangers ne s’est pas faite en nombre suffisant pour compenser les départs en retraite. »
Tout se passe comme si l’installation de médecins étrangers devait être la solution, voire la norme, sans que soit posée la question de la formation et de la mise à disposition de médecins du travail français, ce qui, tout respect gardé vis-à-vis des médecins formés à l’étranger, est tout simplement scandaleux sous la plume de responsables du Ministère.
– même observation pour « Une clarification pourrait être apportée lors de l’élaboration des nouveaux modèles de RAF et de RAM », alors que l’on sait que ces « nouveaux modèles » sont annoncés depuis de très nombreuses années, comme si le temps de l’Administration était différent du temps « normal ».
– la dernière assertion surlignée, « Il s’agit de faire face à la diminution du nombre de médecins du travail et de mettre à la disposition du médecin du travail les compétences d’une équipe pluridisciplinaire à laquelle il peut confier certaines activités, sous sa responsabilité (article R. 4623-14 du Code du travail) « , est tout aussi inadmissible dans la mesure où elle semble présenter la diminution du nombre de médecins du travail comme une fatalité et la mise à disposition d’une équipe pluridisciplinaire comme un (sinon LE) remède à la pénurie… Et la responsabilité de l’Etat dans cette situation ?
On ne peut que déplorer également que soient citées à plusieurs reprises des « données au 31 décembre 2013 transmises par les Direccte dans le cadre du bilan de la réforme de la médecine du travail », bilan dont Michel Sapin, alors Ministre du travail, avait promis une diffusion… que nous attendons toujours, sans aucune chance qu’elle ait lieu !
Il y aurait certes beaucoup à dire encore sur un texte qui, en dépit de son « nettoyage » presque parfait, révèle une incroyable insuffisance, eu égard aux enjeux, mais j’avoue ne pas vouloir perdre davantage de temps encore à mettre en évidence des manques que je ne cesse de dénoncer depuis des années…
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 17 janvier 2016
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Comme vient de me le faire remarquer un lecteur attentif, le Bilan des Conditions de travail contient au moins une autre erreur (mais je ne doute pas qu’on puisse encore trouver d’autres anomalies…) : à la page 241, il est écrit que les données chiffrées sont issues « des rapports sur l’organisation, le fonctionnement et la gestion financière (RAF) des services de santé au travail (article R. 7214-17 du code du travail). »
Or, cet article concerne le rapport annuel de la santé au travail des gens de maison, rapport qui, à ma connaissance, n’a jamais été rendu par personne !
Je corrobore évidemment ce qui précède…
Hélas !