C’est une plongée au cœur de l’évolution de notre système de Santé au travail que propose Blandine Barlet dans sa Thèse de Doctorat en Sociologie de l’Université Paris-Ouest Nanterre, « De la médecine du travail à la santé au travail : les groupes professionnels à l’épreuve de la « pluridisciplinarité », soutenue publiquement en juin 2015.
Avec ses 545 pages, ses nombreuses citations, ses 898 notes de bas de page (!) et une bibliographie très abondante, cette thèse constitue un remarquable outil pour appréhender les difficultés de mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans les Services interentreprises de Santé au travail, difficultés qui tiennent pour partie, depuis l’origine, à l’absence d’une définition claire, indiscutable, ayant fait l’objet d’un large consensus.
A travers ses multiples références, puisées tant dans les ressources qu’offrent les sciences humaines (histoire et sociologie en particulier) que dans celles issues des réflexions conduites par des professionnels de la Santé au travail, à travers aussi les témoignages « bruts de décoffrage » collectés sur le terrain, Blandine Barlet livre une vision sans concession de la pluridisciplinarité telle qu’elle est, indispensable, prometteuse et imparfaite.
Je ne peux que recommander très fortement la lecture de cette « somme », qui, en dépit de sa longueur, « n’a rien d’assommant », bien au contraire.
A la veille d’une nouvelle réforme de la Santé au travail qui mettra certainement une nouvelle fois en avant la pluridisciplinarité, la thèse de Blandine Barlet mérite assurément d’être lue par toutes les personnes appartenant au monde politique ou au monde de l’entreprise (employeurs et salariés), qui, directement ou indirectement, ont ou auront à connaître de la pluridisciplinarité, que ce soit en qualité de décideurs, d’acteurs ou de bénéficiaires.
Cela éviterait probablement nombre de problèmes, car, comme le souligne Blandine Vernet dans sa conclusion, « il serait simpliste de considérer que la « pluridisciplinarité » – ce terme qui convoque les images positives de rassemblement, de travail conjoint – porte en elle, depuis l’origine, une prévention dévoyée de ses objectifs de protection de la santé des salariés. Cependant, la trajectoire de la « pluridisciplinarité » appelle à la vigilance car elle met en évidence la versatilité des concepts et leur labilité. En fonction du contexte et des acteurs qui s’en saisissent, un concept et la rhétorique qui l’accompagne peuvent créer différents types d’opportunités de changements : en l’occurrence, le passage de la médecine à la santé au travail occasionne des collaborations entre acteurs pour une meilleure prévention des risques professionnels, mais il recouvre aussi d’autres dynamiques qui peuvent au contraire constituer une menace pour le système de prévention, au détriment des salariés mis en danger par leur travail. »
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 21 janvier 2016
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PS : je suis naturellement heureux que Blandine Barlet m’ait fait l’honneur de citer epHYGIE dans ses sources, ce qui me conforte dans l’idée que le travail de réflexion et d’information que je mène sur mon site, depuis près de cinq ans déjà, n’est pas inutile.
Je profite de l’occasion pour signaler que l’article auquel il est fait référence (notes 317 et 318, page 117), La Pluridisciplinarité en Santé au travail : indispensable et à géométrie variable, publié sur le site d’epHYGIE le 11 juin 2013, est le résumé de la communication que j’avais présentée, à l’invitation de François Hubault, dans le cadre du séminaire « La dynamique des métiers de l’ergonomie – Nouveaux enjeux de coopération et de pluridisciplinarité », organisé les 3, 4 et 5 juin 2013 par le Centre d’Éducation Permanente Ergonomie et Écologie Humaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Les actes de cette manifestation, dont le texte intégral de cette communication, ont été publiés à la fin de l’année 2015 par Octares Editions.
On pourra accéder au sommaire complet de cet ouvrage sur notre site à partir du lien suivant :
Il va de soi que je ne peux qu’en recommander la lecture, son contenu étant le complément naturel et pertinent de la thèse de Blandine Barlet et des nombreux autres ouvrages et articles cités dans sa bibliographie.
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