De PSA à Astre-Services : la réforme de la Santé au travail à l’épreuve de la crise

Nous sommes tous sous le coup de l’annonce de licenciements massifs par PSA et d’autres grandes Entreprises françaises. Ils ne font que concrétiser, pour la plupart d’entre elles, les graves difficultés qu’elles rencontrent dans un monde de plus en plus concurrentiel et de moins en moins loyal…

Sans entrer dans le débat sur les conditions dans lesquelles les explications, fondées ou non, ont été données, un constat s’impose : ces sorties en masse de la population active sont à l’origine de problèmes de santé majeurs, non seulement pour les salariés qui en sont victimes, mais encore pour ceux qui conservent leur emploi, ce qui est plus surprenant aux yeux des non-initiés.

Dans une interview donnée au quotidien 20 minutes, le Docteur Patrick Légeron, coauteur avec Philippe Nasse du Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, remis au Ministre du Travail en mars 2008, en fait une analyse particulièrement fine. Il montre que les « rescapés » de ce naufrage économique et social sont victimes de ce qu’il appelle le syndrome du survivant, qui mêle, chez ceux qui restent, sentiment d’insécurité économique (ce sera leur tour la prochaine fois), phénomène psychologique de culpabilité et certitude de devoir travailler plus dur…

Au vu de l’onde de choc provoquée par les annonces d’hier, j’ose deux courtes conclusions :

  • les risques psychosociaux sont désormais installés de façon durable dans le paysage des risques professionnels et si un soutien individuel est évidemment utile, c’est au niveau collectif que des solutions doivent être proposées ;
  • leur montée en puissance montre, si besoin était, que la liste des SMR fixée par la nouvelle réglementation en vigueur est loin, très loin de couvrir, quantitativement et qualitativement, l’ensemble des situations à risque. Il est vrai que l’objectif poursuivi par la réforme n’était pas de coller aux besoins, mais aux moyens disponibles, dont on sait qu’ils sont insuffisants…

Une fois de plus, preuve est faite que la toute nouvelle réforme de la Santé au travail n’est pas en accord avec les nécessités actuelles et à venir.

Et cela ne fait probablement que commencer, les difficultés rencontrées par les Associations intermédiaires en donnant une autre illustration, parfaitement expliquée dans un article mis en ligne récemment par le quotidien Ouest France. Y sont exposés les déboires d’ASTRE-Services, Association d’insertion cherbourgeoise qui, depuis 1988, « écoute, oriente et accompagne les personnes pour lesquelles Pôle-emploi n’a pas de solutions. Étape essentielle vers l’insertion sociale, ASTRE-Services aide chaque année au moins 400 adultes à aller vers un emploi durable. »

Dans la Manche, une dizaine d’Associations du même type sont confrontées à un problème qui pourrait, faute de solution, mettre leur existence en danger. La faute à la réforme selon le Directeur d’ASTRE, pour qui « elle est tout simplement inapplicable » pour des raisons à la fois financières et d’organisation du suivi des salariés, qui ne sont pas des salariés comme les autres.

« On accueille d’abord des demandeurs d’emploi dans une démarche d’accompagnement qui aboutit, ou pas, à une activité professionnelle de quelques heures ou quelques jours par semaine », explique-t-il. « La Médecine du travail ne sera jamais assez réactive pour déclarer un salarié apte, si nous décidons, un jour pour le lendemain, de lui proposer une tâche de jardinage par exemple. Or c’est ainsi que nous fonctionnons. »

Le problème pour ces salariés est, on le voit, très différent de celui que posent les salariés de PSA, mais il révèle lui aussi les limites d’une réforme inadaptée avant même d’avoir commencé à s’appliquer, dans un contexte de crise économique et sociale sans précédent depuis des dizaines d’années…

Il semble avoir été compris par les responsables politiques puisque des Députés de toutes tendances ont adressé des questions écrites à Michel Sapin pour lui en faire part. Reste à savoir comment il pourra trancher, car, entre la nécessité de prendre en compte les difficultés financières des Associations d’insertion et celle de garantir un suivi de qualité aux personnes concernées, toutes fragiles, la voie est particulièrement étroite.

Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE juillet 2012
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  • Pour lire l’interview de Patrick Légeron, cliquer ici
  • Pour lire l’article consacré aux déboires de l’Association ASTRE, cliquer ici

 

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