Dans sa décision n° 2011-642 DC du 15 décembre 2011, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2012, dont il avait été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.
En premier lieu, le Conseil Constitutionnel a censuré l’article 41 en tant qu’il étendait le contrôle de la Cour des Comptes en matière de cotisations et contributions sociales sur les « organes juridictionnels mentionnés dans la Constitution ». Le législateur ordinaire n’est pas compétent pour prévoir un tel contrôle sur un pouvoir public constitutionnel.
En deuxième lieu, le Conseil, considérant que certaines dispositions « n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ; que, par suite, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale », les a censurées en ce qu’elles constituent des « cavaliers sociaux ».
C’est notamment le cas de l’article 46 de la loi, relatif à la collaboration entre Médecins Conseil et Médecins du travail pour toute interruption de travail dépassant trois mois, collaboration prévue à l’article L. 323-4-1 du Code de la Sécurité Sociale, rédigé comme suit :
« Art. L. 323-4-1 : Au cours de toute interruption de travail d’au moins trois mois pour cause de maladie ou d’accident non professionnel et lorsqu’une modification de l’aptitude au travail est prévisible, le médecin conseil, en liaison avec le médecin traitant, sollicite le médecin du travail, dans des conditions définies par décret, pour préparer et étudier, le cas échéant, les conditions et les modalités de la reprise du travail ou envisager les démarches de formation. L’assuré est assisté durant cette phase par une personne de son choix. »
Cet article est à rapprocher des articles R. 4624-21 et 22 du projet de décret examiné par le COCT le 9 et le 12 décembre :
« Art. R. 4624-21 : En vue de favoriser le maintien dans l’emploi des salariés en arrêt de travail d’une durée de plus de trois mois, une visite de pré-reprise est organisée par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du salarié.»
« Art. R. 4624-22 : Au cours de la visite de pré-reprise, le médecin du travail peut recommander :
1° Des aménagements et adaptations du poste de travail ;
2° Des préconisations de reclassement ;
3° Des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle.
A cet effet, il s’appuie sur le service social du travail du service de santé au travail interentreprises ou sur celui de l’entreprise.
Sauf opposition dûment motivée du salarié, il informe l’employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi du salarié. »
Il convient de souligner qu’au cours de l’examen, par l’Assemblée Générale du COCT, des projets de décrets relatifs à la réforme de la Santé au travail, l’article 46 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2012 invalidé par le Conseil Constitutionnel n’avait fait l’objet d’aucune information auprès des partenaires sociaux alors même qu’il avait déjà été adopté par l’Assemblée Nationale et le Sénat, contesté auprès du Conseil Constitutionnel, et finalement invalidé par ce dernier…
On en restera donc au dispositif actuel, non obligatoire, précisé dans l’article L. 323-4-1 du Code de la Sécurité Sociale, prévoyant que le Médecin Conseil de la Sécurité Sociale peut solliciter le Médecin du travail « pour préparer et étudier, le cas échéant, les conditions et les modalités de la reprise du travail ou envisager les démarches de formation », puisque, selon les informations données par le Ministère du travail, reprises sur le site actuEL RH des Editions législatives, il n’est pas envisagé, à court terme, de réintroduire cette disposition dans un autre projet de loi : « Nous prévoirons simplement une instruction ministérielle invitant les Médecins Conseil à généraliser ces visites de pré-reprise », précise-t-il par ailleurs.
Du coup, « l’avènement d’un dispositif permettant d’éviter au mieux la désinsertion professionnelle », que la CFDT appelait de ses vœux, reste à construire, puisque le Gouvernement a décidé de renoncer à cette mesure.
Gabriel Paillereau
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la visite de pré-reprise: extrêmement UTILE!!!
Je partage totalement votre point de vue. J’avais d’ailleurs, en son temps, adressé un message en ce sens à Monsieur Gosselin, auteur du rapport sur l’aptitude. Ce qui me semble grave dans cette histoire, c’est qu’on ait reproduit pour la visite de pré-reprise le même schéma que pour la loi réformant la Santé au travail, ce qui a conduit au même résultat, à savoir l’invalidation par le Conseil Constitutionnel pour cause de « cavalier » législatif… On ne peut, dans ces conditions, que s’interroger sur le degré réel de préparation de la réforme en cours…