Relations Humaines et Santé au travail : le « syndrome du grille-pain »

Noël 2011. Comme chaque année, le pied du sapin installé dans le salon est couvert des cadeaux apportés par les enfants et de ceux que nous y avons posés à leur intention. Le bel ordonnancement sera bientôt bousculé par des mains pressées de découvrir ce que l’imagination (ou son absence !) aura conduit les uns et les autres à choisir. Cette année-là, au milieu des habituels CD, DVD et livres, sans oublier les incontournables chocolats et autres marrons glacés, un magnifique grille-pain. Le nôtre avait rendu l’âme peu de temps avant au terme d’une longue vie de grille-pain chaudement remplie.

Rien de commun entre l’ancien, bien de chez nous, au look et à l’utilisation simplissimes, et le nouveau, bien d’ailleurs, au design et à la technologie brillantissimes. Un objet d’une telle beauté, d’une telle classe, que je me suis même demandé si l’on pouvait vraiment s’en servir ou s’il était fait uniquement pour la décoration. La réponse qui me fut donnée me rassura totalement : il s’agissait bien d’un véritable grille-pain, parfaitement opérationnel…

C’est ce qu’on me dit alors, ce n’est pas ce que je pus vérifier. Depuis un peu plus d’un an, ce merveilleux objet ne cesse de me taper sur les nerfs car il ne remplit pas l’office auquel je le pensais destiné : français de f à s, avec toutes les caractéristiques, bonnes et moins bonnes, rattachées à cette origine, j’apprécie tout particulièrement les pains que nos artisans boulangers savent si bien faire, à commencer par la baguette, chère à beaucoup d’entre nous.

Grossière erreur ! Ce grille-pain n’aime pas la baguette, pas plus d’ailleurs qu’il n’aime les autres pains dont j’avais l’habitude de me régaler.

Aucun pain arrondi, allongé, crénelé, mince ou épais, autant dire aucun pain aux formes et contours fantaisistes ne lui convient. Ce qu’il lui faut, c’est du pain carré, du pain taillé au cordeau, du pain géométrique, du pain triste comme un jour sans pain justement. Du pain « chauve » aussi, comme je l’ai baptisé pour mes petits-enfants : celui qui n’a rien que du blanc, pas de croûte, pas de parfum, pas de goût…

Du pain fait pour ceux qui mangent du pain parce que leur régime l’impose, pas pour ceux qui l’apprécient, avec sa croûte, ses irrégularités, son caractère, sa personnalité, et le mangent pour le plaisir.

En résumé, du pain fait pour ceux qui n’aiment pas le pain…

Du coup, chaque petit déjeuner est un combat : contrairement à feu mon grille-pain numéro 1, qui acceptait sans rechigner des pains de toutes formes, y compris les rondouillards et les dégingandés, et les grillait à notre gré, ni trop ni trop peu, respectueux qu’il était de leur personnalité, c’est-à-dire de la nôtre, le grille-pain numéro 2 n’accepte, lui, que des pains standardisés, formatés, certifiés, qu’il grille froidement, sans amour, et condamne tous les autres à l’enfer en les brûlant de façon excessive, et, pire encore, en les retenant dans ses griffes pour les empêcher de vivre…

Il en va des relations humaines dans l’Entreprise comme de celles qu’entretiennent les pains avec les grille-pain qu’on leur impose. Soit ces derniers les respectent dans leur diversité, en leur permettant d’exprimer pleinement toutes leurs qualités, soit au contraire ils les asservissent, les contraignant à se plier à leurs normes et allant jusqu’à détruire ceux qui osent leur résister par des formes jugées trop généreuses ou incorrectes, en les grillant au point qu’ils ne puissent plus être récupérés.

Alors, à vous de savoir quelle est la famille de pains dont vous vous sentez le plus proche et quel type de grille-pain (1 ou 2), représente le mieux l’organisation de la structure à laquelle vous appartenez. Réfléchissez-y bien, votre avenir peut en dépendre. Pour ce qui me concerne, aucun doute à avoir, j’appartiens à la première famille et je connais bien les grille-pain 1 et 2 pour avoir toujours promu le premier et pour combattre le second…

Quand, en matière de Relations Humaines dans l’Entreprise, vous entendrez parler du « syndrome du grille-pain » (ou du « syndrome du pain grillé », au choix), vous saurez désormais ce dont il s’agit…

Gabriel Paillereau

Copyright epHYGIE février 2013

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