Cela fait maintenant plus de deux mois que je n’ai pas publié d’article sur le site d’epHYGIE, non que les sujets aient totalement fait défaut mais en raison du manque de temps, et, je l’avoue, d’une certaine lassitude, due au sentiment que rien n’évolue dans un sens favorable.
Dans l’un des tout derniers articles mis en ligne, Bonne année, bonne santé (au travail) ? Est-ce bien ce dont augure le décret du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la Médecine du travail ?, j’avais écrit :
« Si j’en crois mes interlocuteurs habituels, une chose est sûre : l’actuelle réforme est un défi majeur (et redoutable) lancé aux Services de Santé au travail interentreprises, celui d’être à la hauteur des « ambitions » de l’Administration et des Partenaires sociaux… »
En fait d’« ambitions », on est aujourd’hui servi !
Désireux de compléter les informations que je remets, sous la forme d’une clé USB, à tous ceux qui participent aux sessions de formation et d’information que j’anime régulièrement, j’ai eu la surprise de découvrir la dernière édition du « Bilan des Conditions de travail » publié par le Ministère du travail, regroupant les informations sur la Santé et la Sécurité au travail de l’année 2015.
J’attendais ce Bilan avec d’autant plus d’intérêt que j’avais beaucoup critiqué celui de 2014, qui n’était en fait que la copie de celui de 2013… J’avais alors reproché à l’Administration de bâtir une nouvelle réforme de la Médecine du travail sur des données incomplètes et/ou erronées.
La réforme étant en cours de mise en place depuis le 1er janvier, je m’attendais à trouver des données à jour…
Grossière erreur.
La consultation du Bilan des Conditions de travail 2015 m’a conduit à un constat particulièrement affligeant : exception faite d’un simple paragraphe signé du Directeur Général du Travail dans l’avant-propos de l’ouvrage, on ne trouve aucun développement, chapitre ou sous-chapitre, sur la Médecine du travail.
Aucun !
C’est, je crois, la première fois depuis que ce Bilan existe, la première en tout cas depuis que je le consulte – et cela fait 33 ans que je me consacre à la Médecine du travail ! –, que le chapitre qui lui était réservé disparaît purement et simplement.
Comme si rien ne s’était passé en 2015. Or, que je sache, 2015 est bien l’année du Rapport Issindou, à l’origine de la loi Rebsamen, toujours en 2015, et de la loi El Khomri, en 2016 il est vrai.
Curieux silence, alors que ce Rapport n’a cessé et ne cesse toujours pas, pour les Pouvoirs publics, de légitimer l’évolution de notre système de prévention des risques professionnels.
Et les statistiques alors ? Celles que sont censés alimenter les Rapports annuels des Médecins du travail. Sur l’évolution des effectifs suivis, les Services de Santé au travail, interentreprises et autonomes, les Médecins du travail, les IPRP, les Infirmiers de Santé au travail, etc…
Absentes, disparues corps et bien, comme si lesdits Rapports n’avaient pas existé. Or nous savons tous qu’ils ont bien été présentés par les Médecins du travail dans les conditions fixées par la réglementation.
Existence, assurément oui. Exploitation, manifestement non !
De quoi faire douter encore davantage de l’utilité de cet outil, obsolète il est vrai dans sa forme depuis fort longtemps.
Mais de là à supprimer tout chapitre sur la Médecine du travail alors qu’une nouvelle réforme se met en place et que, lors des débats qui l’ont précédée et particulièrement à l’occasion du dernier Congrès national de Médecine et de Santé au travail, tenu à Paris en juin 2016, notre Ministre n’a cessé de dire toute l’importance de l’Institution (à travers une simple vidéo, il est vrai)…
J’avais souligné l’absence de tout discours officiel dans le cadre du 70 ème anniversaire de la loi de 1946 et je m’étais alors interrogé sur la réalité de l’intérêt de nos dirigeants pour la Médecine du travail.
La disparition, en catimini, sans le moindre commentaire, du seul document de synthèse annuel sur la Santé au travail, illustre concrètement, de façon caricaturale, le peu d’intérêt porté à la Médecine du travail, quel que puisse être par ailleurs le discours « officiel ».
Renseignement pris à bonne source, la raison de cette « disparition » serait le manque de « cohérence » des statistiques disponibles, s’agissant particulièrement du nombre de Médecins du travail… Ce n’est pas vraiment une nouveauté. J’avais justement démontré et souligné ce manque de cohérence à plusieurs reprises, à partir justement de « Bilans des conditions de travail » antérieurs, sans provoquer la moindre réaction des services chargés de leur élaboration.
On est donc passé de pas grand-chose à rien du tout…
Mauvais signal pour les professionnels de la Santé au travail, Médecins du travail en particulier, venant s’ajouter à d’autres, bien plus inquiétants encore, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir bientôt, qui semblent confirmer une évolution dans le sens l’« ubérisation » qui gagne progressivement tous les secteurs de notre Société.
Qui aurait pu imaginer, il y a quelques années, quelques mois seulement, qu’elle puisse toucher un jour la Médecine du travail ?
Personne ou presque.
Et pourtant…
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 3 avril 2017
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Pour accéder au Bilan des Conditions de travail 2015, cliquer sur le lien suivant :
Bilan des conditions de travail 2015
Pour accéder aux articles consacrés aux Bilans des conditions de travail précédents, cliquer sur les liens suivants :
Bilan des Conditions de travail : l’édition 2014 vient d’être publiée
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