Santé au travail : une hirondelle ne fait pas le printemps…

La semaine de la Qualité de Vie au Travail organisée par l’ANACT du 18 au 26 octobre ne pouvait débuter sous de meilleurs auspices : un sondage de l’Institut CSA mené entre le 5 et le 15 septembre auprès de 1011 salariés actifs, rendu public le 18 octobre par l’ANACT, révèle que pour 86 % des salariés, les conditions de travail seraient bonnes (67 % les jugent « bonnes » et 19 % « très bonnes »), et que pour 14 % seulement, elles seraient mauvaises (11 % les jugent « assez mauvaises » et 3 % « très mauvaises »).

Un score en forme de plébiscite digne d’un scrutin effectué du côté de Pyongyang ou dans une de ces démocraties exemplaires qui caractérisent le Proche Orient, l’Afrique, l’Asie…

On aimerait y croire, bien sûr, comme on aimerait croire qu’une hirondelle fait le printemps, mais, justement, ce n’est pas le cas.

De très nombreuses études (et il n’est plus question ici de « sondages ») aboutissent en effet à des résultats diamétralement opposés.

Sans qu’il soit nécessaire de multiplier les références, on peut noter que, le jour même de sa publication, ce sondage a été contredit de facto par la FNATH, qui a ouvert un site pour tous les « accidentés de la vie ». Il l’est aussi par une enquête de France Inter rendue publique sous la forme d’un ouvrage dont le contenu avait fait un certain bruit au moment de sa publication, en début d’année, au point que même Monsieur Combrexelle l’avait cité lors des Rencontres parlementaires du mois de mars… Il l’est encore, et surtout, par les travaux de tous les spécialistes de la Santé/Sécurité au travail.

Il l’est enfin par les Pouvoirs Publics eux-mêmes, dont dépend directement l’ANACT ; la relative médiocrité des indicateurs en matière de conditions de travail, avec des écarts considérables selon les entreprises (en fonction notamment de leur taille et de leur secteur d’activité) et les catégories de salariés, est en effet une des justifications de la « Grande Conférence sociale » du mois de juillet et des travaux en cours entre les Partenaires sociaux.

Alors, que faut-il en penser ?

On peut évidemment comprendre que l’ANACT ait souhaité lancer la semaine de la Qualité de Vie au Travail sur une note positive et s’en réjouisse mais il ne faudrait pas que, sur la base d’un simple sondage, qui n’est au mieux qu’une photographie à la définition très faible, on puisse donner à croire que les conditions de travail sont bonnes ou très bonnes alors que nous savons tous que, la crise aidant, elles ne cessent de se détériorer dans un nombre croissant d’Entreprises.

Cette détérioration est précisément ce qui justifie qu’on s’intéresse au mal-être au travail, « non par amour de ce qui va mal ni en raison d’une fascination morbide face à la souffrance ou la violence, mais pour rendre au travail sa valeur », comme l’a écrit Vincent de Gaulejac dans « Travail, les raisons de la colère », et parce que « comprendre ce qui ne va pas bien, c’est agir pour aller mieux ».

Et, n’en déplaise à tous les adeptes de la méthode Coué et de l’« autruche attitude », il faudra encore de très nombreuses hirondelles pour que vienne enfin le printemps !

Gabriel Paillereau

Copyright epHYGIE octobre 2012

Tous droits réservés

  • Pour accéder au sondage CSA/ANACT « La place accordée à l’expression des salariés sur le travail et les conditions de travail dans l’entreprise », cliquer ici
  • Pour accéder à la grande enquête de France Inter, « Quel travail voulons-nous », cliquer ici

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *