Sur le métier, remettre l’ouvrage

En l’état actuel de sa rédaction, la proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 janvier 2011 souffre de multiples imperfections : d’une part, les dispositions de certains des articles votés sont inappropriées (gouvernance par exemple) ou porteuses de difficultés susceptibles d’être censurées par le Conseil Constitutionnel (différences de suivi des salariés selon leur activité et/ou la région où ils l’exercent entre autres), d’autre part, certains sujets essentiels comme l’aptitude ou le financement des Services sont totalement passés sous silence.

Plus grave encore est le fait qu’elle ne prenne pas en compte l’évolution du travail, de son organisation, des risques professionnels qui en résultent, et, par voie de conséquence, des véritables exigences d’une politique de Prévention adaptée. Tout se passe apparemment comme si, en se contentant de corriger (ou de masquer) certains défauts criants du système actuel, on considérait que l’opération de « chirurgie esthétique » proposée apporte une réponse aux besoins de Santé au travail des entreprises et des salariés.

Une telle vision est l’expression manifeste d’un défaut d’appréciation de la nature et de l’ampleur des transformations de notre Société, voire d’un véritable autisme en la matière : la réforme de la Santé au travail ne peut pas, ne doit pas être un simple aménagement du système actuel, qui aurait à peu près autant d’effets qu’un emplâtre sur une jambe de bois, pour reprendre une expression populaire.

Le système français de Prévention a besoin, non d’une énième réforme, d’une « réforme de la réforme », mais d’une transformation en profondeur, d’une véritable « refondation », à partir d’un changement radical d’angle d’attaque des questions de Santé au travail et de Prévention des risques professionnels.

Sur la base de ce constat, mieux vaudrait sans doute, d’une part, prendre en compte les difficultés des Services réellement confrontés à la pénurie de Médecins du travail, d’autre part, éviter l’adoption précipitée d’un texte « mal ficelé », et, « sur le métier, remettre l’ouvrage ».

Gabriel PAILLEREAU

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