Nous avons commencé la semaine dernière la publication de l’article du Docteur Michel Blaizot sur l’avenir incertain de la Réforme de la Santé au travail. Nous la poursuivons aujourd’hui avec la mise en ligne de la deuxième partie, consacrée au suivi des salariés, qui inclut les problèmes liés à la pénurie de Médecins du travail, les examens médicaux et la SMR.
De cette analyse, on retiendra tout particulièrement deux passages :
- Sur le suivi médical
La réforme maintient le principe d’une visite médicale périodique pour tous avec une périodicité de 24 mois. Mais elle introduit une possibilité de dérogation à cette périodicité « sous réserve d’assurer un suivi médical adéquat du salarié » et à condition que le SIST mette en place des entretiens infirmiers et des actions annuelles pluridisciplinaires. Du coup, c’est le principe d’égalité de traitement des travailleurs qui vole en éclats. Ce principe, également intangible depuis 1946, voulait que, après classement par l’employeur en surveillance médicale simple ou renforcée, les salariés placés dans la même situation bénéficient tous d’une surveillance clinique au même rythme et avec la même qualité. Impossible de prétendre respecter ce principe quand certains salariés bénéficieront d’une visite médicale tous les 24 mois et d’autres tous les trois, quatre ou cinq ans .
Sans nier l’intérêt d’un entretien infirmier « protocolisé », peut-on considérer que le niveau de qualité de la surveillance clinique est préservé ? Quel sens peut-on donner à l’incidente « sous réserve d’assurer un suivi médical adéquat » ? Qui apprécie cette adéquation ? Cette rupture de l’égalité de traitement entre travailleurs placés dans la même situation repose en réalité sur une décision administrative de l’autorité de tutelle, selon des critères non médicaux, et qui sera, par définition, variable d’un SIST à l’autre et d’une région à une autre. Est-ce acceptable au plan éthique ?
- Sur les recommandations de bonne pratique et la SMR
L’expérience montre qu’il faut environ 4 à 5 ans pour publier une recommandation de bonne pratique élaborée par les sociétés savantes et validée par la HAS. Dans l’état actuel des choses, la référence aux recommandations de bonne pratique est donc un rideau de fumée, d’autant que ces recommandations ne sauraient avoir la valeur contraignante d’un arrêté ministériel. Chaque médecin du travail établira donc son protocole personnel pour chacune des SMR. On peut être assuré de retrouver une variabilité entre médecins comparable à celle rencontrée, avant l’entrée en vigueur de la réforme, dans le dénombrement des SMR par les médecins.
Encore une fois, le principe d’égalité de traitement des salariés placés dans des situations identiques est bafoué. Cette situation, injustifiable auprès des salariés et des employeurs, pourrait engendrer une insécurité juridique pour les médecins, pour leur SST et pour les entreprises. En effet, il y aura toujours, en cas de contentieux, un expert judiciaire pour estimer que le protocole de surveillance appliqué ne répondait pas aux données les plus récentes de la science, et l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur les employeurs pourra être recherchée.
En définitive, ces dispositions relatives à la SMR paraissent scientifiquement contestables, éthiquement inacceptables et juridiquement dangereuses.
Suite et fin de la publication au début de la semaine prochaine.
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE septembre 2012
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- Pour accéder à la deuxième partie de l’article du Docteur Michel Blaizot, cliquer ici
Rappel :
- Pour accéder à la première partie de « L’avenir incertain de la réforme de la Santé au travail », cliquer ici
Pour accéder aux principaux articles sur le même thème, publiés sur le site d’epHYGIE, cliquer sur les liens suivants :
- La réforme de la Santé au travail entre arrangement, trompe l’œil et marché de dupes
- La réforme de la Santé au travail vue à travers le Rapport d’information de l’Assemblée Nationale : le ruban, la ficelle et la corde
- La loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la Médecine du travail (source : Marc Véricel , Revue de Droit du travail – 2011 – Dalloz)
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