Ont été mises en ligne sur notre site, en début d’année, les questions du Professeur Alain Dômont relatives à la réforme de la Santé au travail.
Les éléments de réponse qu’il nous a donnés ont déjà fait l’objet d’un premier article, publié sur notre site au début du mois de mars.
Nous mettons en ligne aujourd’hui la deuxième partie de son étude (plusieurs autres suivront), intitulée « De l’aptitude médicale au travail à la compatibilité du travail avec la préservation de la santé », qui aborde les trois questions suivantes :
- Transposer une SURVEILLANCE DE SANTE « choisie » par le salarié en un « CONTROLE OBLIGATOIRE DES APTITUDES MEDICALES AU TRAVAIL » comme c’est le cas dans le secteur privé, est-ce conforme à l’article 14 [de la Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989], concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail], et au respect des libertés individuelles ?
- La formulation obligatoire d’un avis d’aptitude médicale au poste de travail, inscrite pour le secteur privé dans le code du travail, est-elle compatible avec ce que la directive prévoit, en n’évoquant que de simples « surveillances de santé », non obligatoires pour le salarié, et sans obligation non plus pour le médecin du travail d’émettre de tels avis d’aptitude (article 14 DC,12 juin 1989) ?
- Prévoir que les fonctionnaires de l’Etat puissent bénéficier « S’ILS LE SOUHAITENT, DE VISITES MEDICALES DU TRAVAIL » [art. 22 Décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique], alors que LES SALARIES DU PRIVE SONT OBLIGES DE SE PRESENTER REGULIEREMENT devant le médecin du travail pour un contrôle clinique de leur « aptitude médicale au poste de travail », contrôle subordonnant la pérennité de leur contrat de travail et de leur emploi, est-ce discriminatoire ? Et pour qui ?
Dans l’entre deux tours qui vient de commencer, les questions posées par Alain Dômont revêtent un intérêt d’autant plus grand que, comme je l’ai écrit dans un tout récent article, Elections présidentielles : mais où est donc passée la Santé au travail ?, nous sommes aujourd’hui dans l’ignorance de la Politique qui sera effectivement menée demain.
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE avril 2012
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- Pour accéder à la deuxième partie de l’étude du Professeur Alain Dômont, cliquer ici
- Pour accéder à la première partie du texte du Professeur Alain Dômont, cliquer ici
Vos commentaires sont évidemment les bienvenus.
Hello !
La question de fond est bien « Où est l’équité de traitement entre salariés du privé et agents travaillant dans le secteur public ? », quel que soit le « traitement » envisagé. L’historique de ces deux régimes de conditions du travail explique les grandes différences qu’il y a, y compris en termes de médecine du travail, mais il ne faut pas laisser croire par exemple (deuxième partie-1 Alain Dômont) que la nouvelle étape de réforme de la Santé au travail cherchait à répondre à ces différences…
Bye.
La réforme de la Santé au travail ne cherchait pas, effectivement, à apporter une réponse aux différences constatées entre Médecine de Prévention du Secteur public et Santé au travail du secteur privé. Il n’en demeure pas moins vrai que l’ambition de la directive européenne de juin 1989 était d’harmoniser les pratiques en la matière pour tous les travailleurs. Les différences constatées dans notre pays ont d’ailleurs été une des causes de la mise en demeure qu’avait reçue la France à la fin des années 90, alors que Martine Aubry était Ministre du travail. Cette harmonisation est toujours à l’ordre du jour…
Hello !
Je réagis à ce constant » L’organisation française de la médecine du travail, pionnière en Europe au moins dans la loi de 1946, a ainsi longtemps tardé à mettre en place la maîtrise technico-ergonomique des risques professionnels et de l’organisation du travail, au profit d’une démarche clinique prévalente « obligatoirement orientée vers le contrôle des aptitudes médicales au travail » » :
C’est très clair et je suis d’accord. Et du temps est passé… En 1989, l’Europe a défini son cadre de promotion-prévention de la sécurité et de la santé au travail particulièrement orienté « maîtrise primaire des risques professionnels ». Et cette modernité ne passe pas que par la médecine du travail « à la française ». Par contre, en France, elle est toujours sensiblement retardée par l’orientation historique de la prévention des risques professionnels selon un axe privilégiant les compétences médicales.
C’est malheureusement toujours le cas encore aujourd’hui après cette nouvelle réforme de notre médecine du travail incluant enfin, mais du bout des lèvres, les prémices* de la fonction protection-prévention des risques professionnels dans l’entreprise (fonction qui aurait dû être reconnue comme un « cavalier législatif » dans la réforme de la médecine du travail, comme celle-ci l’avait elle-même été dans la réforme des retraites).
* NB : la réglementation française ouvre par exemple moins de perspective d’acquisition de compétences le cas échéant à cette ébauche de fonction prévention qu’aux classiques Infirmier(e)s des Services de Santé au Travail, lesquels, pourtant, ne sont eux pas mobilis(é)s par la directive de 1989… Cherchez l’erreur de transposition ! Je rappelle que nous sommes en 2012.
Bye.
Hello !
Autre réaction au passage du mémo en question (2ème partie) titré « Une gestion administrative décalée d’un dispositif de « santé au travail trop médicalisé » » (p 6) et ses propres questions :
– Pourquoi, malgré toutes ces évidences, n’avoir pas voulu réformer le contrôle spécifiquement français des aptitudes médicales au poste de travail ?
>> A mon avis, c’est parce que c’est un acte typique de médecin « justifiant » la permanence de l’idée même de la « médecine du travail » (franco-française) plutôt de la prévention des risques professionnels (mode EU).
– Aurait-on occulté que ce sont les risques professionnels qui doivent avant tout être prioritairement maîtrisés par l’employeur ?
>> Non, mais c’est toute la différence entre une des « dispositions diverses » (dont l’article 14 sur la surveillance de la santé) de la directive européenne de 1989 et son article 7 sur la fonction PPRP que la France a tant de mal à transposer du fait de son option médicale historique.
– Pourquoi la nouvelle réglementation attribue-t-elle encore au médecin l’animation et la coordination de la pluridisciplinarité en santé au travail, tout en réaffirmant que la maîtrise des risques revient aux employeurs ?
>> C’est que la « pluridisciplinarité a toujours officiellement été affectée au Service de Santé au Travail (puisque, en France, faute de transposition correcte de la directive de 89, « on » continue de centrer la prévention des risques professionnels sur l’axe médical). Il n’y a que dans une des circulaires relatives aux différentes réformes de la médecine du travail qu’il est dit que la pluridisciplinarité devait surtout être celle de la démarche de prévention de l’employeur.
– Ne confond-on pas, ce faisant, « la pluridisciplinarité clinique de la médecine du travail d’hier » avec la « promotion ergonomique pluridisciplinaire de la santé des travailleurs au travail », telle que proposée depuis 1989 par l’Europe ?
>> La directive de 1989 ne parle pas particulièrement « promotion ergonomique pluridisciplinaire de la santé des travailleurs au travail » (pour moi c’est une falsification de son objet) mais elle parle explicitement par contre de « promotion de l’amélioration de la SECURITE et de la santé des travailleurs au travail « … C’est tout le problème de votre vision monodisciplinaire, n’employant intentionnellement que les mots de « santé » et de « médecin ». C’est dans la droite ligne de notre mauvaise transposition de 89/391/CEE : s’accrocher encore et toujours à la « prévention des risques professionnels » en mode « médecine du travail ».
Bye.
Votre dernière phrase résume assez bien l’un des problèmes majeurs dont souffre notre système : « s’accrocher encore et toujours à la « prévention des risques professionnels » en mode « médecine du travail ». La difficulté est en fait de faire évoluer notre système vers la pluridisciplinarité, sans pour autant porter atteinte à l’approche médicale, tout à fait indispensable, dans le respect des responsabilités et des compétences de tous les acteurs, médecins ou non. C’est cette réflexion, pourtant indispensable, qui a été occultée dans la réforme, en dépit des multiples Rapports de ces dernières années. Comme vous l’avez écrit dans votre commentaire précédent, cherchez l’erreur !