Préambule
Les développements qui suivent sont ceux correspondant à la Loi invalidée par le Conseil Constitutionnel en fin d’année 2010. La situation a évolué depuis, avec l’adoption, par le Sénat, d’une proposition de loi présentée par le Groupe de l’Union Centriste, reprenant à l’identique les termes de la loi invalidée, finalement complétée par de nouvelles dispositions, en matière de gouvernance notamment.
C’est cette nouvelle proposition de loi, adoptée le 27 janvier 2011, qui a été transmise à la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, en vue d’un examen prévu au mieux en mai prochain.
Les commentaires ci-après conservent néanmoins toute leur pertinence et leur actualité pour les articles que le Sénat n’a pas amendés.
Il conviendra maintenant de suivre de très près les débats à venir pour savoir le sort qui sera réservé au texte adopté par le Sénat, la nouvelle rédaction de certains articles ayant suscité de multiples réactions de la part des partenaires sociaux et des professionnels de la Santé au travail.
Toulouse, novembre 2010
Gabriel PAILLEREAU
Après l’échec des partenaires sociaux dans les négociations relatives à la réforme de la Santé au travail, les Pouvoirs Publics ont, comme prévu, repris l’initiative, conformément aux annonces faites par les Ministres qui se sont succédé depuis, Brice Hortefeux, Xavier Darcos et Eric Woerth.
Prenant à contrepied la plupart des observateurs, ce dernier a profité de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites pour y glisser, sous la forme d’amendements préparés par le Groupe de réflexion « Santé au travail » de l’UMP et repris par le Groupe parlementaire présidé par Jean-François Coppé, non seulement les dispositions annoncées (et contestées) au cours de l’été, relatives à la pénibilité, mais encore diverses autres dispositions législatives qui constitueront, après la promulgation de la loi, prévue aux alentours du 15 novembre prochain, le futur cadre légal de la Santé au travail.
Les dispositions les plus importantes contenues dans la loi concernent les domaines suivants :
Missions et organisation des Services de Santé au travail
Les missions
Après avoir fait l’objet de multiples débats entre les partenaires sociaux, la notion de « mission » des Services de Santé au travail, destinée à combler un vide juridique, est introduite dans le Code du travail par l’article L. 4622-1-1. Elle vise explicitement les Services eux-mêmes et non plus seulement, comme c’était le cas précédemment, les médecins du travail.
Cette « mission » des Services de Santé au travail, au caractère exclusif, consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail » selon les termes de l’article L. 4622-2 nouveau, venant s’ajouter, sans la remettre en cause, à celle confiée au médecin du travail, exprimée en termes identiques, contenue dans l’article L. 4622-3, qui demeure inchangé.
La référence, très générale, aux actions des médecins du travail dans l’exercice de leur rôle (surveillance des conditions d’hygiène au travail, des risques de contagion et de l’état de santé des travailleurs), datant de 1946, que l’on trouvait dans le même article L. 4622-3, est complétée par des missions élargies, placées sous la responsabilité des Services eux-mêmes.
Présentées de façon détaillée à l’article L. 4622-1-1, elles confortent le passage de la Médecine du travail à la Santé au travail, qui date de 2002, en explicitant des activités existantes que le Législateur n’avait pas pris le soin de préciser jusqu’alors et des activités nouvelles qui n’étaient pas considérées comme appartenant au champ de la Santé au travail, traçabilité des expositions professionnelles et veille sanitaire en particulier.
Les précisions et ajouts sont :
- conduire des actions de santé au travail dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
- conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;
- assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction :
o des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail,
o de la pénibilité au travail,
o de leur âge ;
- participer au suivi des expositions professionnelles et à la veille sanitaire et de contribuer à la traçabilité de ces expositions professionnelles.
Alors que les missions à proprement parler sont identiques pour tous les Services de Santé au travail, il n’en va pas de même pour les professionnels qui les exercent, si l’on compare le contenu des L. 4622-8 et L. 4622-9 d’une part, L. 4622-4 d’autre part, qui traitent respectivement des Services de Santé au travail interentreprises et des Services de Santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une Unité Economique et Sociale (UES), plus communément appelés Services « autonomes ».
Aux termes de l’article L. 4622-8, les missions des Services interentreprises sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de Santé au travail comprenant :
- des médecins du travail,
- des intervenants en prévention des risques professionnels,
- des infirmiers ;
Il est précisé par ailleurs que ces équipes peuvent être complétées :
- d’assistants des Services de Santé au travail,
- de professionnels recrutés après avis des médecins du travail.
Les médecins du travail animent l’équipe pluridisciplinaire ainsi composée.
L’article L. 4622-9 précise enfin que les Services interentreprises comprennent un Service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des Services sociaux du travail externes.
Ces règles diffèrent de celles définies à l’article L. 4622-4, qui visent les Services de Santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une Unité Economique et Sociale (UES).
Il y est précisé en effet que les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail, et non par une équipe pluridisciplinaire, qui agissent en toute indépendance et en coordination avec :
- les employeurs,
- les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel,
- les intervenants en prévention des risques professionnels.
Faut-il y voir une erreur ou l’expression d’une volonté délibérée de différenciation des Services ? Sans doute les deux, dans la mesure où, d’une part, on a toujours pratiqué différemment la Médecine du travail en Service interentreprises et en Service « autonome », d’autre part, des « ruptures de logique » ont pu naître de la succession de rédactions différentes pour les mêmes articles, à l’Assemblée nationale puis au Sénat. On est en droit de s’étonner malgré tout du fait que les professionnels ayant en charge la Santé au travail et les responsabilités qui leur sont confiées puissent différer à ce point en fonction de la forme juridique des Services…
Il convient de souligner enfin la « résurrection » des Services sociaux du travail, après leur disparition dans les années 80, à la demande expresse de l’Administration… Parfois critiquée, cette évolution n’en a pas moins été jugée nécessaire en raison de la fragilité croissante de nombreux salariés, mis à mal par une situation économique de plus en plus difficile et des modes d’organisation du travail destructeurs, dont le suivi « social » ne peut ni ne doit être assuré par les médecins du travail.
Au-delà de la définition nouvelle des missions des Services et du rôle des médecins du travail, qui constitue de fait une véritable révolution, plusieurs autres dispositions de la loi, contenues dans l’article L. 4622-10, marquent une rupture avec les pratiques antérieures en posant comme préalables à l’action des Services la conclusion de « Contrats d’objectifs et de moyens » ainsi que la conduite d’actions coordonnées avec les CARSAT (anciennement CRAM), et, même si cela peut apparaître anodin aujourd’hui, l’« avis » des Agences Régionales de Santé (ARS)[1].
Les contrats d’objectifs et de moyens
Aux termes de l’article L. 4622-10, les missions des Services sont précisées, sans préjudice des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre :
- le Service d’une part,
- l’Autorité administrative et les Organismes de sécurité sociale compétents d’autre part,
après avis :
- des Organisations d’employeurs,
- des Organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national,
- des Agences Régionales de Santé.
Par cet article, le Législateur confirme sa volonté d’encadrer davantage l’activité des Services en précisant leurs missions dans des contrats d’objectifs et de moyens, gage probable à ses yeux d’une plus grande efficacité. Les cocontractants sont sans surprise « l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents », c’est-à-dire les DIRECCTE (anciennement DRTEFP) et les CARSAT (anciennement CRAM).
En précisant que c’est « sans préjudice des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales » que doivent être précisées les missions des Services, le texte prouve que le Législateur a été particulièrement sensible aux arguments déployés par un certain nombre d’interlocuteurs, pour qui les dispositions relatives à la Santé au travail sont, soit inadaptées, soit inapplicables, en raison précisément de « réalités locales » hétérogènes.
Le fait de tenir compte des « réalités locales » peut donner lieu à deux lectures diamétralement opposées :
- la première, positive, est de considérer que, les besoins de Santé au travail variant d’une région à l’autre en fonction de la nature de leurs activités, le texte autorise une souplesse dans l’organisation, une adaptabilité dans les solutions proposées, qui ne peuvent que permettre aux Services d’apporter une meilleure réponse aux besoins de Santé au travail : la prise en compte des « réalités locales » serait en fait un levier de progrès, permettant de concevoir et de mettre en place des solutions innovantes, en totale adéquation avec le « terrain », avec tous les terrains.
- la seconde, négative, renvoie à une adaptation aux ressources disponibles ; en clair, les moyens priment sur les besoins. On retrouve ici en filigrane la référence à la « formalité impossible » et la demande récurrente d’aménagements dérogatoires pour permettre aux employeurs de faire face à leurs responsabilités.
S’il est hors de propos de nier les difficultés énormes, et parfois même insurmontables, d’un nombre croissant de Services, il n’en demeure pas moins que la formulation choisie, apparemment considérée exclusivement sous l’angle du progrès qu’elle est censée apporter, est ambiguë et dangereuse.
On peut redouter en effet que, dans ce cadre, le respect des missions définies à l’article
L. 4622-2 devienne « virtuel », le « principe de réalité » posé par la loi ouvrant la voie à de multiples dérogations.
A noter que la loi ne précise pas si l’agrément administratif, délivré par la DIRECCTE, subsistera. Il est possible que le « contrat d’objectifs et de moyens » en tienne lieu à l’avenir, ce que confirmeront peut-être les textes d’application.
Les actions conjointes SIST/CARSAT
L’idée de fixer par contrat les modalités des actions conjointes ou complémentaires conduites par les Services de Santé au travail et les Services de Prévention des risques professionnels des Caisses de Sécurité sociale n’est pas nouvelle[2] et repose sur le simple bon sens : puisque les deux institutions, Santé au travail d’une part, Sécurité sociale d’autre part, œuvrent dans le même domaine, celui de la prévention des risques professionnels, autant faire en sorte qu’elles interviennent de façon conjointe et/ou complémentaire, en évitant toute concurrence, celle-ci risquant d’être synonyme de conflits, de gaspillage de ressources et de perte d’efficacité.
C’est bien d’ailleurs dans cet esprit que le texte prévoit que les actions soient conduites « dans le respect de leurs missions respectives » et que l’échange, par ces Services, de « toutes informations utiles au succès de ces actions de prévention » respecte strictement la confidentialité « des informations personnelles relatives aux salariés, venues à la connaissance des médecins du travail ».
Les Agences Régionales de Santé (ARS)
Créées par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, les ARS ont pour mission de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation, à l’échelon régional et infrarégional :
- des objectifs de la politique nationale de santé,
- des principes de l’action sociale et médico-sociale,
- des principes fondamentaux affirmés à l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale[3].
Elles contribuent au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.
Leur mission[4] exclusive est une mission de Santé publique.
Glissées en toute fin d’article, les Agences Régionales de Santé n’en revêtent pas moins une importance capitale : même si elles ne doivent intervenir que « pour avis », selon les termes de l’article L. 4622-10, leur entrée en jeu symbolise une évolution majeure du système français de Santé au travail.
On a suffisamment débattu dans le passé des relations entre Santé au travail et Santé publique pour en débattre à nouveau. Disons simplement que cette évolution n’offre aucune garantie d’une plus grande efficacité. Elle relève en fait davantage d’une croyance ou d’un a priori idéologique que d’une analyse objective de la situation, comme je l’ai dit à plusieurs reprises depuis qu’elle a été évoquée pour la première fois, à mots couverts, dans le cadre de la préparation du « Plan Santé au travail 2005-2009 ».
S’il est exclu de nier l’intérêt d’un rapprochement avec la Santé publique, dont la Santé au travail fait partie intégrante, doit-on pour autant étendre à la Santé au travail les modalités de fonctionnement d’institutions dépendant du Ministère de la Santé alors que leur objet, leurs acteurs et leurs bénéficiaires ne sont pas les mêmes ?
On se retrouve en fait face à une problématique identique à celle qu’avait suscitée la Loi
n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite Loi Kouchner, pensée sans référence aux Services de Santé au travail et s’imposant pourtant à eux.
Organisation et gouvernance
Un principe : la généralisation du « paritarisme »
La nouveauté majeure introduite par la loi dans les Services interentreprises de Santé au travail réside dans la généralisation du « paritarisme ».
Aux termes de l’article L. 4622-11, le Service de Santé au travail est administré paritairement par un Conseil d’administration composé, à parts égales :
- de représentants des employeurs, désignés par les entreprises adhérentes, parmi lesquels est élu le Président du Conseil, qui a une voix prépondérante en cas de partage des voix ;
- de représentants des salariés d’entreprises adhérentes désignés par les Organisations syndicales représentatives au plan national et interprofessionnel parmi lesquels est élu le vice-président du Conseil.
Il est précisé en outre que le Président doit être en activité et que les modalités d’application de cet article seront précisées par décret.
Les positions initiales des partenaires sociaux
Cette rédaction, qui met un terme aux discussions sur la gouvernance des Services interentreprises, donne l’impression de renvoyer dos à dos les Organisations d’employeurs et les Syndicats de salariés :
- les premières citées avaient fait depuis longtemps de leur opposition au paritarisme une question de principe, en s’appuyant sur le fait que la responsabilité de la Santé au travail incombe aux seuls employeurs ;
- bien que leurs positions ne fussent pas homogènes en la matière, les Syndicats plaidaient globalement en faveur de la mise en place d’un rééquilibrage des forces au sein des Conseils d’Administration, pouvant aller jusqu’à l’instauration d’une présidence alternante.
Une solution de compromis qui ne satisfait personne
Si, au départ, les Députés avaient donné le sentiment de vouloir donner satisfaction à tout le monde, aux Syndicats de salariés en généralisant le paritarisme, aux Organisations patronales en leur donnant le pouvoir de désigner leurs représentants au sein des Conseils d’Administration et en leur conservant la Présidence de tous les Services, les Sénateurs avaient choisi, eux, d’aller beaucoup plus loin en optant pour un véritable paritarisme, ouvrant la voie à la Présidence salariée des Conseils d’Administration.
La Commission mixte paritaire a finalement fait marche arrière, sans pour autant revenir à la case départ : le texte final n’est donc celui voulu au départ, ni par les Députés, ni par les Sénateurs, ni par les Organisations patronales, ni enfin par les Syndicats de salariés. En clair, les Organisations patronales ont perdu le pouvoir de désignation de leurs représentants ; les Syndicats de salariés ont perdu, eux, la possibilité de participer et de décider d’égal à égal avec les représentants des employeurs…
Une disposition seulement a perduré du début à la fin des débats : le Président du Service doit être « en activité », ce que l’on peut comprendre comme signifiant qu’il n’est pas retraité et/ou qu’il doit avoir la qualité d’employeur.
Comme un décret doit déterminer les modalités d’application de cet article, il faut espérer qu’il apporte bien toutes les précisions nécessaires, car, dans l’état actuel du texte, on peut craindre qu’il ne soit fait une interprétation extensive de la volonté du Législateur.
Le problème posé par la voix prépondérante du Président
Le texte adopté pose un autre problème : quel crédit accorder à une Organisation « paritaire » dont le Président, obligatoirement représentant des employeurs, a une voix prépondérante en cas de partage des voix ? Une telle disposition risque de se traduire dans les faits par l’impossibilité, pour les salariés, de faire valoir leur point de vue si les représentants des employeurs font systématiquement bloc pour imposer leur loi : la voix prépondérante[5] du Président peut à elle seule déséquilibrer le système.
L’intérêt de la Commission de Contrôle
La forme de « paritarisme » choisie par le Législateur pourrait se révéler d’autant plus discutable que, si l’on en croit certains échos, elle s’accompagnerait ipso facto de la disparition de la Commission de Contrôle, seul contre-pouvoir, à ce jour, dans les Services à gestion patronale. Ne conviendrait-il pas, en fait, de la conserver là où elle existe ?
La loi étant votée et bientôt promulguée, c’est au niveau réglementaire qu’il faut désormais faire en sorte de corriger dans toute la mesure du possible un choix dont le Législateur n’a manifestement pas imaginé tous les effets.
Le Projet de Service pluriannuel
L’article L. 4622-12 relatif au projet de service pluriannuel élaboré au sein d’une Commission de projet, dans lequel le Conseil d’Administration définit les priorités d’action du Service, est intéressant certes, comme l’est le fait que cela ne fasse pas obstacle à l’exercice des missions de la Commission médico-technique, mais il a peu de poids par rapport à ce qui précède, le pouvoir réel au sein des Services dépendant très directement et quasi-exclusivement des dispositions relatives à la gouvernance.
Place et rôle du Directeur
Les précisions relatives au rôle du Directeur représentent un progrès d’autant plus visible que le Code du travail était totalement muet sur cette question auparavant mais il n’est pas certain qu’elles soient suffisantes pour garantir pleinement l’efficacité de son travail, apparemment réduit à celui d’exécutant alors qu’il eut été préférable de reconnaître sa contribution en termes d’animation et de force de proposition.
On peut regretter que la formulation précédente, faisant du Directeur le garant de l’indépendance du médecin du travail et des membres de l’équipe pluridisciplinaire, n’ait finalement pas été retenue car elle avait le mérite de « sortir » le Directeur de son rôle de gestionnaire et de lui donner une responsabilité de premier plan, faisant de lui en quelque sorte le garant de l’éthique et de la déontologie ainsi que de la « continuité » du Service, sous réserve bien évidemment de poser et de régler clairement, en parallèle, la question de sa formation et de sa protection, question qui, en tout état de cause, continuera à se poser.
L’article L. 4622-13, s’ajoutant aux nombreuses dispositions existantes qui visent à garantir la parfaite transparence des Services, est le bienvenu puisqu’il a vocation à éviter toute dérive.
Actions et moyens des membres des équipes de Santé au travail
Si l’article L. 4624-1 (anciennement L. 241-10-1) demeure inchangé, ce Chapitre du Code du travail n’en est pas moins profondément remanié. Il ne concernait curieusement que les actions du médecin du travail alors que, depuis la loi du 24 janvier 2002, dite de Modernisation sociale, la Médecine du travail étant devenue Santé au travail, et, le principe de généralisation de la pluridisciplinarité ayant ainsi été posé, il aurait déjà dû viser l’équipe pluridisciplinaire depuis près de dix ans…
Le Dossier médical en Santé au travail
Le dossier médical en Santé au travail constitué par le médecin du travail, prévu à l’article
L. 4624-2, retrace, « dans le respect du secret médical »[6], les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment celles formulées en application de l’article L. 4624-1, c’est-à-dire les propositions de « mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs ».
Cet article donne des précisions intéressantes sur les modalités de communication du dossier[7], précisées jusqu’alors dans l’article D. 4624-46 (ancien article R. 241-56), toujours en vigueur, dont le contenu était en contradiction avec celui des articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du Code de la Santé publique, issus de la Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, citée à la page 5 :
« Ce dossier ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail.
Ce dossier peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur.
Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci toute personne autorisée par les articles L. 1110-4 et
L. 1111-7 du code de la santé publique, peut demander la communication de ce dossier. »
En faisant expressément référence à ces deux articles, l’article L. 4624-2 comble en fait une lacune juridique dans la mesure où leur application aux Dossiers médicaux établis dans le cadre de la Santé au travail avait toujours fait débat, comme font d’ailleurs toujours débat les dispositions relatives aux assurances qui doivent être souscrites au titre de leur responsabilité professionnelle.
Intérêt et limites du Dossier médical
Plus encore que les précisions relatives aux modalités de transmission du dossier médical, c’est la raison qui peut en être à l’origine qui importe. Le nouvel article L. 4624-2 prévoit en effet qu’« en cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail ». Cette disposition pose problème en ce que, d’une part, elle repose sur la notion de « risque pour la Santé publique », qui est pour le moins relative ; d’autre part, elle enfreint le Code de déontologie médicale en portant atteinte à la protection du secret médical, dont le médecin est à la fois dépositaire et garant, et en créant ce qui ressemble fort à une différenciation entre les « citoyens de base » et les salariés visés par le texte ; enfin, elle conduit à s’interroger sur ses conséquences possibles en termes de transfert de charges des entreprises vers les Organismes de Sécurité sociale.
Le point le plus important réside dans l’article L. 4624-4, qui prévoit que « lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver ».
En précisant, d’une part, que « l’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite » et que « ces préconisations et la réponse de l’employeur sont tenues, à leur demande, à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1 », d’autre part, que « cette procédure s’applique également aux préconisations du médecin du travail lorsqu’il est saisi par un employeur d’une question relevant de ses missions », le Législateur a considérablement étendu le champ des prérogatives du médecin du travail, et, par voie de conséquence, de la responsabilité de l’employeur.
Ce texte ne fait en réalité que traduire dans la loi la jurisprudence récente de la Cour de Cassation, de plus en plus exigeante pour les employeurs en termes de prise en compte des recommandations des médecins du travail. Force est de constater en effet que, dans la plupart des cas, ces recommandations demeuraient lettre morte.
Contrairement à ce qu’annonce le titre de ce chapitre, censé viser les membres des équipes de Santé au travail, son contenu explicite concerne pour l’essentiel le médecin du travail. Cela signifie que ce sont bien les décrets en Conseil d’Etat annoncés par l’article L. 4624-3 qui préciseront les modalités d’action des personnels concourant aux Services de Santé au travail ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4624-1.
Il est évident, à la lecture de ce chapitre, que le « travail réglementaire » à venir sera crucial. Ce constat conforte l’appréciation portée par certains, qui considèrent que les textes relatifs à la réforme de la Santé au travail sont encore à écrire à 70 %.
Aide à l’employeur pour la gestion de la Santé et de la Sécurité au travail
En précisant l’aide dont l’employeur peut bénéficier pour gérer la Santé et la Sécurité au travail à travers l’article L. 4644-1 nouveau, le législateur ne fait que compléter (achever ?) la transposition de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (Journal officiel n° L 183 du 29/06/1989), engagée dans la loi du 31 décembre 1991 et poursuivie dans la loi du 24 janvier 2002.
Qu’il s’agisse des instances appelées à émettre un avis ou des Intervenants en Prévention des Risques Professionnels (IPRP), personnes physiques et morales, publiques et privées, habilités à intervenir dans le domaine de la prévention des risques professionnels, la Loi apporte peu de nouveautés si ce n’est celle, apparente, concernant la désignation de « salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels », prévus à l’article 7 de la directive du 12 juin 1989 citée plus haut, ou le fait que, pour la première fois, l’INRS soit cité en appui auprès des Services de Prévention des Caisses de Sécurité sociale (CARSAT).
A noter néanmoins que l’appel aux compétences prévu par cet article doit être réalisé dans des conditions garantissant non seulement les règles d’indépendance des professions médicales mais encore celles des personnes et organismes visés, et que ces conditions seront déterminées par décret en Conseil d’Etat.
A souligner enfin que des précisions importantes sont données sur :
- la situation des IPRP déjà habilités à la date de publication de la loi :
« II. – L’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement, au sens de l’article L. 4644-1 du code du travail, pendant une durée de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi. »
- la caducité des accords de branche comportant des dispositions contraires à la loi en matière d’examens médicaux :
« III. – À l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques. »
Cette dernière précision, qui confirme une position exprimée par Monsieur Combrexelle dans un courrier daté du 3 octobre 2005, est essentielle, mais sa présence à ce niveau du texte est pour le moins surprenante…
Traçabilité et prévention de la pénibilité
Le « point d’entrée » de la pénibilité
C’est la prévention de la pénibilité qui a servi de prétexte (et de porte d’accès) à l’introduction dans le projet de loi portant réforme des retraites, sous la forme d’amendements, de dispositions visant à réformer la Santé au travail. La méthode choisie a fait l’objet de nombreuses critiques, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Le point d’entrée choisi, car il en fallait bien un, est le chapitre premier, titre deuxième, livre premier, de la quatrième partie du Code du travail visant les obligations de l’employeur, issu pour l’essentiel de la transposition, par la loi du 31 décembre 1991, de diverses dispositions de la directive CEE 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, parmi lesquelles les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (article L. 4121-1), les principes généraux de prévention (article L. 4121-2) et l’évaluation a priori des risques professionnels (article L. 4121-3), cette dernière ayant été complétée dix ans plus tard avec la création du Document unique par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 (qu’explicite la circulaire n° 6 de la Direction des relations du travail du 18 avril 2002).
La Fiche individuelle d’exposition
Le 1° de l’article L. 4121-1 ayant été complété par les termes « et de la pénibilité au travail », la solution retenue pour « lier » pénibilité et Santé/Sécurité au travail a consisté à ajouter un nouvel article, L. 4121-3-1, relatif à la fiche dans laquelle l’employeur est tenu de consigner, « pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période. »
Etablie en cohérence avec l’évaluation des risques prévue à l’article L. 4121-1, cette fiche individuelle, dont le modèle sera fixé par arrêté, qui complète le dossier médical propre à chaque salarié prévu à l’article L. 4624-2, est communiquée par l’employeur au Service de Santé au travail, qui la transmet au médecin du travail ; une copie en est remise au salarié à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail ou de déclaration de maladie professionnelle, et, en cas de décès du salarié, à ses ayants-droit.
Si séduisante que puisse apparaître une telle fiche, on comprend bien qu’elle nécessite de très sérieuses précautions pour éviter que certaines des informations qu’elle contient ne se retournent contre les salariés. D’où les protections indispensables, en partie proposées dans le texte, qui doivent aller bien au-delà de la seule obligation de conformité avec les exigences de la loi informatique et libertés.
A noter pour finir, le fait, somme toute anecdotique dans la mesure où il allait de soi, que, conformément à la disposition introduite à la fin de l’article L. 4612-2, le CHSCT « procède à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité ».
Surveillance médicale de catégories particulières de salariés
Les principes posés par la loi
On sait les difficultés rencontrées depuis de nombreuses années, dans un nombre croissant de Services, pour assurer la surveillance médicale de différentes catégories de salariés. Il était donc indispensable de proposer des solutions permettant au plus vite de faire face à ces difficultés.
De ce point de vue, les nouvelles dispositions légales peuvent donner le sentiment d’aller dans le bon sens, le nouveau libellé du chapitre V, « Surveillance médicale de catégories particulières de salariés », répertoriant et prenant en compte de nombreuses catégories de salariés partiellement ou totalement privées de surveillance jusqu’alors, et non plus seulement les salariés temporaires.
Désormais, en application de l’article L. 4625-1, « un décret détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs », lesquelles s’appliquent aux catégories de travailleurs suivantes :
- salariés temporaires ;
- stagiaires de la formation professionnelle ;
- travailleurs des associations intermédiaires ;
- travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur ;
- travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie ;
- travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France ;
- travailleurs saisonniers.
Il est précisé par ailleurs :
- que ces travailleurs bénéficient d’une protection égale à celle des autres travailleurs ;
- que des règles et modalités de surveillance adaptées ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code ;
- que pour tenir compte de spécificités locales en matière de recours à des travailleurs saisonniers, l’autorité administrative peut approuver des accords adaptant les modalités définies par décret sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau au moins équivalent de protection de la santé aux travailleurs concernés.
L’article L. 4625-2 complète le cadre juridique de la surveillance médicale des salariés « atypiques » en précisant qu’« un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code. »
Ces dérogations concernent les catégories de travailleurs suivantes :
- artistes et techniciens intermittents du spectacle ;
- mannequins ;
- salariés du particulier employeur ;
- voyageurs, représentants et placiers.
Il est important de noter que l’accord collectif de branche, étendu après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, « peut prévoir que le suivi médical des salariés du particulier employeur et des mannequins mineurs soit effectué par des médecins non spécialisés en médecine du travail qui signent un protocole avec un service de santé au travail interentreprises. »
Ces protocoles prévoient :
- les garanties en termes de formation des médecins non spécialistes,
- les modalités de leur exercice au sein du service de santé au travail,
- l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par le protocole.
Il est précisé également :
- que ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de l’article L. 1133-3 relatif aux différences de traitement autorisées en raison de l’état de santé ;
- qu’en cas de difficulté ou de désaccord avec les avis délivrés par les médecins « non spécialisés en médecine du travail qui signent un protocole avec un service de santé au travail interentreprises », l’employeur ou le travailleur peut solliciter un examen médical auprès d’un médecin du travail appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé le protocole ;
- qu’en l’absence d’accord étendu, un décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs.
Le fait que, selon l’article L. 4623-1 modifié, les Services de Santé au travail soient désormais autorisés à recruter, « après délivrance d’une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l’ordre des médecins, à titre temporaire, un interne de la spécialité qui travaillera sous l’autorité d’un médecin du travail du service de santé au travail expérimenté », constitue à la fois une mise à niveau des règles applicables par rapport à d’autres spécialités médicales et un « plus » en termes de lutte contre la pénurie de médecins du travail.
Si l’on ajoute à tout ce qui précède qu’aux termes du II du même article « le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation du recours à des médecins non spécialisés en médecine du travail prévu au huitième alinéa de l’article L. 4625-2 du code du travail, dans un délai de cinq ans après l’entrée en vigueur de la présente loi », tout semble avoir été mis en œuvre pour assurer au plus vite une couverture médicale exhaustive des salariés.
C’est d’ailleurs l’un des principaux arguments présentés pour justifier l’introduction de dispositions relatives à la Santé au travail, sous la forme d’amendements, dans la loi portant réforme des retraites, alors que, de toute évidence, ces dispositions n’ont aucune relation, même indirecte, avec l’objet de la loi.
La volonté affichée par le Ministre du travail de réformer le système pour mettre un terme aux dysfonctionnements dont il souffre depuis très longtemps, en le rendant capable de répondre aux besoins des employeurs et des salariés, ainsi qu’aux demandes des Services de Santé au travail eux-mêmes, particulièrement en matière de capacité à assurer le suivi médical prévu par la réglementation en vigueur, a permis de limiter la fronde des Députés et des Sénateurs (au moins sur ce point) et de faire adopter ces dispositions sans grande difficulté.
Les limites du dispositif retenu
Bien qu’indiscutable dans ses objectifs, dont nul n’a vraiment osé remettre en cause le bien fondé, cette présentation n’en souffre pas moins d’un défaut majeur : en dépit de toutes les précautions de langage prises, la vision que sous-tend le choix qui a été opéré est celle d’une Santé au travail envisagée sous le seul angle de l’examen médical, et, qui plus est, d’un examen médical pouvant être effectué par n’importe quel médecin, fût-il non spécialiste.
Il est habituel et commode de voir dans cette critique l’expression du corporatisme des médecins du travail, mais les choses ne sont pas aussi simples ; elle peut aussi être, elle est surtout celle de leur ambition, de l’ambition de nombreux professionnels autres que médecins du travail, d’employeurs et de salariés, d’acteurs et de bénéficiaires de la Santé au travail, pour une institution fréquemment présentée comme ringarde, coûteuse, voire inutile alors que toutes les études prouvent que les dépenses faites au titre de la Prévention sont un investissement, non une charge, et que chacun des protagonistes peut en tirer bénéfice.
A cette première critique tenant à la place de l’examen médical et à la qualification de celui ou celle qui le réalise, s’en ajoute une seconde, qui rejoint un développement précédent : contrairement à ce que peut donner à penser l’inventaire des précautions prises pour l’éviter, le système a de fortes chances de « déraper » par la faute des multiples cas particuliers prévus par la loi, lesquels représentent de facto autant de d’entorses à la règle commune, donc de dérogations. La distinction opérée entre salariés, sur la base de leur statut juridique ou de la nature de leurs tâches par exemple, risque de déboucher très vite sur une véritable discrimination, avec l’instauration d’un système à plusieurs vitesses.
Conclusion
Au total, le texte voté donne l’impression d’aborder de nombreuses questions touchant à l’exercice quotidien de la Santé au travail. Sans doute de nombreux responsables des Services interentreprises y voient-ils même un progrès par rapport à leur situation actuelle, souvent très difficile au regard de la réglementation en vigueur.
Les développements précédents prouvent malheureusement que les choses ne sont pas aussi simples, certaines des solutions proposées par la loi n’allant pas au-delà de la simple pétition de principe ou risquant de créer des problèmes plus graves encore que ceux qu’elles prétendent régler.
La question de l’avenir de la Santé/Sécurité au travail et de la Prévention des risques professionnels est fondamentalement Politique, et, si les Elus de la Nation et les partenaires sociaux, employeurs et salariés, qui sont les principaux intéressés, ne s’en saisissent pas sérieusement et ne parviennent pas rapidement à se mettre d’accord sur une stratégie à moyen et long terme, c’est bien à l’Etat, garant de l’intérêt général, qu’il appartiendra de reprendre l’initiative au plus vite en s’entourant des garanties nécessaires pour éviter toute dérive contraire aux intérêts des salariés, des entreprises et de la Société dans son ensemble.
[1]ARS : anciennement Agences Régionales de l’Hospitalisation (ARH).
[2] La première « Convention de partenariat », négociée au niveau national entre le CISME et la CNAMTS, a été signée à BORDEAUX, en juin 2004. Elle a été renouvelée le 18 décembre 2007, pour une durée de 3 ans, sous l’appellation « Protocole de partenariat ».
[3] « La Nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de l’assurance maladie.
Indépendamment de son âge et de son état de santé, chaque assuré social bénéficie, contre le risque et les conséquences de la maladie, d’une protection qu’il finance selon ses ressources.
L’Etat, qui définit les objectifs de la politique de santé publique, garantit l’accès effectif des assurés aux soins sur l’ensemble du territoire.
En partenariat avec les professionnels de santé, les régimes d’assurance maladie veillent à la continuité, à la coordination et à la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu’à la répartition territoriale homogène de cette offre. Ils concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l’Etat.
Chacun contribue, pour sa part, au bon usage des ressources consacrées par la Nation à l’assurance maladie. »
[4] « Elles sont chargées, en tenant compte des spécificités de chaque région :
- de mettre en œuvre au niveau régional la politique de santé publique définie en application des articles L. 1411-1-1 et L. 1411-2, en liaison avec les autorités compétentes dans les domaines de la santé au travail, de la santé scolaire et universitaire et de la protection maternelle et infantile.
[…]
- de réguler, d’orienter et d’organiser, notamment en concertation avec les professionnels de santé, l’offre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de soins et de services médico-sociaux, et à garantir l’efficacité du système de santé. »
[5] Elle peut effectivement se révéler nécessaire pour éviter tout blocage dans la prise de décisions mais a-t-on vraiment cherché des solutions alternatives ?
[6] Cette obligation, reconnue par la jurisprudence (Cour de cassation, 10 juillet 2002), ne figurait pas à l’article R. 4624-46 du Code du travail.
[7] Voir à ce sujet le Rapport présenté par M. Dominique LECLERC au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat, qui précise que le Dossier médical en Médecine du travail présente plusieurs limites soulevées notamment par Daniel Lejeune, dans son rapport de 2008 sur la traçabilité des expositions professionnelles, et par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2009. C’est la prise en compte de ces limites qui justifierait le nouvel article.