Le « Rapport Issindou » a déjà fait couler beaucoup d’encre, c’est le moins qu’on puisse dire. Il suffit de se reporter aux nombreux commentaires qu’il a suscités, ne serait-ce que sur notre site. Et c’est loin d’être fini, la réforme engagée sur la base de ce Rapport n’en étant qu’à ses débuts, d’abord parce que la deuxième « volée » d’amendements initialement prévue n’a pu aboutir, ensuite parce que les textes réglementaires annoncés sont toujours en préparation, enfin (et probablement surtout) parce que les Partenaires sociaux qui siègent au COCT ont décidé de se saisir du Dossier et que nul ne sait à ce jour avec précision quelle stratégie ils définiront pour la Santé au travail de demain. Il faudra, pour la connaître, attendre la présentation officielle du Plan Santé Travail 3 (PST3), lequel, selon les informations dont je dispose, risque de comporter quelques surprises qui ne seront pas forcément du goût de tout le monde…
A suivre…
Compte tenu du caractère particulièrement flou de la situation, informer les acteurs et bénéficiaires de la Santé au travail apparaît plus indispensable que jamais. Malheureusement, l’examen des informations les plus récentes, normalement censées les éclairer, conduit à une conclusion exactement opposée : au lieu de lever les incertitudes et les doutes actuels, elles ne font que les amplifier, comme s’il n’existait aucune stratégie pour préparer l’avenir ou que ce dernier était condamné à dépendre d’orientations, parfois contradictoires, choisies par des personnes étrangères au système actuel.
On sait désormais quelle est la position des Internes en Médecine du travail regroupés au sein de l’ANIMT ; ils l’ont en effet exprimée dans un texte publié à la fin de cet été, texte dans lequel ils font part de leur vision de la Santé au travail, qui ne cadre pas exactement avec la réalité de ce que vivent les Médecins du travail actuellement en poste, et probablement pas davantage avec celle qu’ils découvriront quand ils entreront réellement en fonction. Je reviendrai ultérieurement sur ce texte, qui a déjà fait l’objet de divers commentaires, en provenance notamment de la CFE-CGC.
A suivre…
Le CNAM a ouvert une nouvelle chaire, Entreprises et Santé, le mercredi 14 octobre dernier, avec le soutien financier du Groupe Malakoff-Médéric, preuve s’il en est besoin, de l’intérêt majeur porté par cette Mutuelle, et, d’une façon générale, par tous les Assureurs, à la Santé au travail. Eu égard à la mise en place obligatoire de la Complémentaire Santé au bénéfice de tous les salariés à compter du 1er janvier 2016, et, par conséquent, aux sommes considérables qui seront ainsi rendues disponibles pour la Prévention, totalement en dehors des Services de Santé au travail, la question de la place et du rôle de ces derniers ne manquera pas de se poser à court ou moyen terme. Le modèle économique qui est aujourd’hui encore celui du système français de Santé au travail risque d’être totalement déstabilisé voire définitivement remis en cause par l’arrivée de ces nouveaux acteurs… Il suffit d’aller sur Google en tapant Réforme de la Santé au travail pour le comprendre.
A suivre…
On sait l’importance que l’actuel Gouvernement accorde à la « Grande Conférence sociale », lancée par Jean-Marc Ayrault en 2012, dont la prochaine édition se tiendra le lundi 19 octobre prochain. On aurait pu s’attendre à ce qu’il y soit assez largement question de Santé au travail dans la mesure où, la réforme engagée n’étant pas achevée, la Conférence constituait pour les Partenaires sociaux une occasion privilégiée de poursuivre leurs échanges en la matière avec les Pouvoirs publics. Ce ne sera pas le cas, son ordre du jour ayant été bâti autour d’autres priorités, le compte personnel d’activité, la révolution numérique (à la suite du Rapport Mettling) et… la transition énergétique (dans la perspective de la COP 21). La Santé au travail n’y occupera donc qu’une place extrêmement réduite. Qui plus est, la CGT a annoncé, par la voix de son Secrétaire général, Philippe Martinez, sa décision « irrévocable » de ne pas y participer, « sauf en cas de changement de dernière minute »…
A suivre…
Si la nouvelle « réforme » engagée par la loi Rebsamen donne le sentiment d’être « à l’arrêt », ce n’est peut-être qu’une impression car, à travers la réorganisation du COCT qu’elle a engagée, qui est venue s’ajouter aux textes précisant l’organisation et le fonctionnement de la Direction Générale du Travail (DGT) et de l’ANACT, publiés pendant l’été, la mise en place des institutions chargées de suivre sa mise en œuvre ou d’y contribuer, passée pratiquement inaperçue, n’est peut-être finalement rien d’autre que le point de départ de son installation rampante. Et ce, sans que soit discutée et encore moins remise en question la logique de simplification qui sous-tend la politique prônée par les Pouvoirs publics. Mieux (ou pire), la troisième table ronde organisée dans le cadre de la Conférence sociale sera animée par le Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, dont on sait depuis plus d’un an déjà qu’il peut (ou entend) jouer un rôle primordial dans l’évolution de la Santé au travail, même si le « social » n’appartient pas à son champ de compétence, comme l’a amplement démontré la tentative avortée de réformer le système par ordonnance, à l’automne 2014. On se rappelle que la deuxième tentative, confiée à la Ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait échoué elle aussi. C’est donc la troisième qui a été la bonne (ou la pire), enfin (!) sous la houlette du « vrai » Ministre du Travail, François Rebsamen, dans les conditions très discutables que l’on connaît. Mais elle ne peut pas être la dernière, compte tenu de l’inachèvement du chantier…
A suivre…
Les relations sociales au sein de la « branche professionnelle des Services de Santé au travail interentreprises » sont toujours des plus délicates puisque, le lundi 12 octobre, les six Organisations syndicales représentatives des salariés et le CISME, qui représente les Services employeurs, ont été reçus successivement au Ministère du travail dans le cadre de la médiation demandée par les premières citées. Aucune information n’a filtré à ce jour sur le calendrier de cette médiation mais le simple fait qu’elle ait lieu est en soi révélateur de la détérioration du dialogue social au sein de la branche.
A suivre…
Pour en revenir à ce qui était le point de départ de cette note de synthèse sur l’état actuel de la réforme, je n’aurai garde d’oublier que Michel Issindou, auteur éponyme du Rapport « Aptitude et Médecine du travail », plus connu sous le nom de « Rapport Issindou », persiste et signe dans une tribune publiée dans la « Revue du Trombinoscope », revue dont j’ignorais l’existence jusqu’à ce que mes « alertes » quotidiennes relatives à la réforme de la Santé au travail me la révèlent. Plaidant « pour une réorganisation de la Médecine du travail », Michel Issindou reprend succinctement les grands thèmes de son Rapport avec les mêmes arguments que ceux déjà présentés à l’Assemblée Nationale (en particulier devant les membres de la Commission des Affaires sociales), qui reposent pour l’essentiel sur la démographie médicale, comme le prouve le large extrait qui suit :
« Missionné avec quatre éminents spécialistes par les ministres de la Santé et du Travail pour réfléchir à « l’aptitude et à la médecine du travail », j’en ressors avec deux convictions : celle que le médecin du travail est le mieux à même de suivre et de vérifier la santé des travailleurs. Lui seul a en effet connaissance de l’état clinique du salarié et de son poste de travail dont il propose d’éventuels ajustements. Celle ensuite, de la nécessité d’une réforme urgente sans laquelle la médecine du travail va à sa perte. Des chiffres irréfutables sont là : en raison de la pénurie de praticiens, de leur mauvaise répartition territoriale, des fortes disparités entre grandes et petites entreprises, la médecine du travail, malgré ses efforts notoires d’organisation, n’est plus en mesure d’assurer un suivi régulier et équitable des salariés. Deux chiffres pour s’en convaincre : 30 millions de visites annuelles sont légalement nécessaires, seulement 9 millions sont assurées. En outre, alors qu’environ 5 000 médecins du travail, âgés de 55 ans en moyenne, sont encore en activité, ils seront moins de la moitié d’ici 2030. Il faut donc agir dans l’intérêt même de cette
« belle médecine » et surtout de la santé des salariés. »
La conclusion du propos de Michel Issindou coule de source à la manière d’une lapalissade :
« Nos propositions visent dès lors à conforter les missions de la médecine du travail et notamment à sortir de la visite systématique qui aboutit à un certificat d’aptitude. Pour y parvenir, une mesure de bon sens s’impose : donner la priorité aux visites des salariés qui occupent des postes exposant la vie de tiers ou leur propre vie, quitte à espacer les visites pour les autres, ce qui de facto est déjà le cas. La prévention sera ainsi la mission centrale de la médecine du travail de demain. Dans un monde du travail caractérisé par des emplois moins stables et des carrières plus longues, il est en effet déterminant de pouvoir mieux anticiper les nouveaux risques et maladies professionnelles. C’est bien là ce qui justifie au premier chef la réorganisation que nous avons esquissée. »
Même apparemment pleine de bon sens et de bonnes intentions, cette tribune ne peut que laisser de marbre les sceptiques, très nombreux, tant du côté patronal que du côté syndical, qui voient dans la réforme en cours de la Santé au travail, non un progrès mais une régression.
Ne dit-on pas justement que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?
A suivre…
Gabriel Paillereau
Copyright epHYGIE 18 octobre 2015
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Les orientations retenues par le groupe permanent d’orientation du COCT pour le troisième Plan Santé au Travail (PST3)
Ces orientations sont celles qu’avait définies le COCT au mois de février, c’est-à-dire avant les lois Macron, Rebsamen et Touraine ; le contexte a beaucoup changé depuis, ce qui conduit à attendre le contenu définitif, qui sera arrêté par le COCT, réuni en Assemblée plénière.
Quel avenir pour la Médecine du travail ? Positionnement de l’ANIMT après le Rapport Issindou (Rapport septembre 2015)
Malakoff Médéric et le CNAM créent la Chaire Entreprises et Santé (Communiqué du 14 octobre 2015)
Programme de la Conférence Sociale 2015
Arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l’organisation de la direction générale du travail
Rupture des négociations de la Convention Collective : les SSTI dans la tourmente
On pourra également lire ou relire les principaux articles publiés sur notre site à la suite du Rapport Issindou :
Réforme de la Santé au travail : le point de vue « éclairé » de Michel Blaizot (deuxième volet)
Réforme de la Santé au travail : le point de vue « éclairé » de Michel Blaizot
Réforme de la Santé au travail : victoire à la Pyrrhus de François Rebsamen au Sénat
Réforme de la Santé au travail : au Conseil Constitutionnel et au COCT de jouer !
Réforme de la Santé au travail : arrêt sur image avant deuxième lecture devant l’Assemblée Nationale
La mise en oeuvre des propositions du rapport Issindou : chance ou menace pour la santé au travail ?
La route pourrait être courte du Rapport Issindou sur la Médecine du travail à sa mise en bière…
Réforme de la Médecine du travail : le Conseil National de l’Ordre des Médecins monte au créneau
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